Bonsoir,
Ci-joint les sujets des colles concernant les séances du Mercredi (16/10/2019) et Jeudi (17/10/2019). Chaque étudiant devrait choisir et préparer un sujet pour le présenter lors des séances de colles.
Cordialement
Sujet n° 1 : A quoi sert l’ONU ?
L’Organisation des Nations unies (ONU) est
impuissante à arrêter les guerres. Le droit de veto de ses membres permanents
paralyse le Conseil de sécurité, et les nombreuses dictatures qui la composent
empêchent toute avancée en matière de démocratie ou de droits de l’homme.
Reprocher à l’ONU son impuissance équivaut à la
rendre responsable de l’état du monde et confondre effet et cause. Selon sa
charte, l’ONU a trois missions principales: paix et sécurité collective, progrès
social et développement économique, protection des droits de l’homme et des
libertés fondamentales. Certes, le bilan est pour le moins contrasté ; beaucoup
reste à faire et l’ONU apparaît souvent comme une bureaucratie lourde et
impuissante. La lourdeur est cependant relative, le budget ordinaire de l’ONU
(hors missions de maintien de la paix) ne s’élève qu’à 5,4 milliards de dollars
pour une période de deux ans, plus 8,3 milliards pour les opérations de
maintien de la paix.
Ce n’est pas tant l’ONU qui est en cause que l’état
et les divisions de la société internationale. Très souvent, l’organisation
mondiale est bloquée par les désaccords entre les cinq membres permanents du
Conseil de sécurité (États-Unis, Russie, Chine, Royaume-Uni et France). Pour
que le système mis en place par la Charte puisse fonctionner, il faudrait que
l’alliance des vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale ait survécu à la fin de
cette dernière. Tel ne fut pas le cas: très vite les divisions liées à la
guerre froide l’ont emporté. L’existence du droit de veto est venue protéger
leurs alliés. Mais il serait également inexact d’attribuer à l’existence du
droit de veto l’échec du système. Il est la condition même de l’appartenance de
puissances rivales à un système collectif.
À la fin de la guerre froide, lorsque l’Irak a
envahi le Koweït en 1990, pour la première fois dans l’histoire, le système de
sécurité collective a pu fonctionner comme prévu par la Charte. Le Conseil de
sécurité a adressé un ultimatum à l’Irak afin qu’il retire ses troupes du
Koweït.
Le non-respect de cet ultimatum a autorisé pour la
première fois une action militaire de façon légale, selon les modalités prévues
par la Charte, d’où les espoirs d’un « nouvel ordre mondial » célébré par le
président George Bush père, alors président des États-Unis. Mais très
rapidement, les logiques de rivalités nationales ont repris le dessus.
Cependant, il est faux d’affirmer qu’il est impossible de trouver un accord au
Conseil de sécurité entre Occidentaux, Russes et Chinois. Cela arrive, y
compris sur des sujets sensibles comme le programme nucléaire iranien. La
résolution 1973 a été adoptée pour mettre en place « la responsabilité de
protéger » la population libyenne.
Les abstentions russe et chinoise ont permis son
adoption. Cependant, la transformation de la mission, de protection de la
population à un changement de régime, entrave son utilisation future.
L’ONU compte cependant des succès importants comme
le démantèlement de l’apartheid en Afrique du Sud ou la restauration d’un État
de droit au Cambodge. Il faut surtout prendre conscience que sans ce lien
unique entre tous les pays, les conflits et inégalités seraient encore plus
nombreux. Enfin, pour faire un bilan honnête de l’ONU, il faut prendre en
compte l’action de l’ensemble des institutions spécialisées dont l’Organisation
mondiale de la santé (OMS), le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR), l’Unicef
et l’Unesco, etc. L’élargissement du Conseil de sécurité à dix membres
permanents, afin de tenir compte des nouveaux rapports de force internationaux,
est par ailleurs toujours bloqué
Sujet n° 2 : La
diplomatie Conduit –elle à la
faiblesse ?
En déclarant: « Vous aviez à choisir entre la
guerre et le déshonneur, vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la
guerre. » Les accords de Munich avaient été applaudis à l’époque par les
opinions française et britannique. Le premier sondage réalisé en France était
d’ailleurs à leur propos: 57 % des Français soutenaient ces accords.
Mais à partir de cet exemple historique, certains
commentateurs tirent des conclusions abusives, assimilant toute négociation à
du défaitisme. Ce n’est pas parce qu’on négocie avec une autre puissance qu’on
se soumet automatiquement à sa volonté. Le spectre des accords de Munich est
agité dès lors qu’un gouvernement hésite à opter pour une position de force ou
à entrer en guerre.
C’est en évoquant les accords de Munich que Guy
Mollet a justifié la catastrophique intervention militaire française à Suez en
1956. L’attitude favorable de François Mitterrand ou d’Helmut Kohl face à
Gorbatchev, parce qu’ils pensaient qu’il pouvait être un partenaire solide, a
été traitée « d’esprit munichois » par leurs adversaires. C’est pourtant grâce
au dialogue avec Gorbatchev que la guerre froide a pris fin de façon pacifique.
« L’esprit munichois » a également été attribué à ceux qui s’opposaient à la
guerre d’Irak en 2003.
Cette dernière, loin de conduire à la stabilisation
de la région et à l’élimination du terrorisme a eu l’effet exactement
contraire. Le même reproche fut fait à ceux qui s’opposaient aux bombardements
sollicités contre l’Iran à partir de 2005, pour l’empêcher de se doter de
l’arme nucléaire, or c’est une (longue) négociation qui a permis un accord le
14 juillet 2015 en vue d’atteindre cet objectif.
Il est évoqué pour faire preuve de plus
d’agressivité face à la Russie après son annexion de la Crimée, or le
cessez-le-feu a été permis grâce aux accords de Minsk et la livraison d’armes à
l’Ukraine pour « éviter un nouveau Munich » qui aurait, au contraire, conduit à
un affrontement généralisé en Europe. Le problème est qu’utiliser la force
n’est pas toujours payant, au contraire, et que la diplomatie est souvent le
meilleur moyen de résoudre un conflit. La diplomatie est justement faite pour
permettre aux rivaux ou ennemis potentiels de se parler. En Afghanistan, en
Irak et en Libye, les politiques de force ont été plutôt contre-productives, y
compris par rapport aux objectifs annoncés. L’évocation des accords de Munich
est plutôt aujourd’hui le masque des néoconservateurs ou de tous ceux qui
voudraient que les Occidentaux utilisent leur supériorité militaire pour
imposer leurs vues, ce qui n’est tout simplement plus possible.
Sujet n°3 : Le Monde va-t-elle de plus en plus mal ?
La situation
actuelle, comparée au passé et non à un idéal, s’améliore régulièrement. En
trente ans, 700 à 800 millions de personnes ont été sorties du seuil de
pauvreté. L’ère des grandes famines est révolue. Le niveau d’éducation et de
connaissance du public est de plus en plus élevé. Au cours du 20e siècle, la
richesse mondiale a été multipliée par 20, l’espérance de vie a doublé et on
peut vieillir en bonne santé.
Le racisme demeure mais il n’est plus
institutionnalisé, comme il a pu l’être, y compris au sein de démocraties
établies comme les États-Unis. En Afrique du Sud et en Rhodésie (devenue
Zimbabwe), l’apartheid a été démantelé. L’égalité entre les hommes et les
femmes a encore du chemin à parcourir mais elle est un fait acquis dans la
plupart des sociétés. Le 20e siècle aura été celui de la libération
de la femme qui ne bénéficiait d’aucun droit –y compris celui de voter– dans aucune société au début du 20e siècle.
L’accélération du nombre d’innovations et de dépôt de brevets dans de nombreux
domaines scientifiques permet de lutter contre la rareté des biens, la maladie
et la mort. Certes, le progrès technique n’est pas la garantie du progrès de la
société humaine mais les nouvelles technologies de l’information et de la
communication (NTIC) permettent une meilleure diffusion de l’information. En
outre, les moyens de mobilisation, les sociétés civiles sont partout en
progression. Les États ont perdu le monopole de l’information: les individus
peuvent en recevoir ainsi qu’en émettre. La démocratie n’est pas établie de
façon universelle mais, contrairement à la situation des années 1960, il n’y a
plus qu’un seul pays totalitaire à la surface de la planète: la Corée du Nord.
Y compris dans les régimes autoritaires, il existe des opinions publiques. La
mainmise des
La
mondialisation 34gouvernements sur les citoyens s’est desserrée. Un début de
justice internationale se met en place et l’impunité régresse. Les libertés
d’aller et venir, de se marier ou non, de choisir son partenaire, d’assumer son
orientation sexuelle, d’avoir ou non des enfants, ont progressé de façon
fulgurante. C’est parce que le passé est oublié et magnifié que l’on peut
penser que « c’était mieux avant ».La principale inquiétude concerne le réchauffement
climatique. La dégradation de la biodiversité et de l’environnement est bien
réelle, du fait de son non-respect par l’Homme. La décision de D. Trump de se
retirer de l’accord de Paris signé en 2015 et destiné à lutter contre le réchauffement
climatique est un sujet d’inquiétude supplémentaire. En effet, l’humanité
consomme chaque année davantage que ce que la Terre produit et il n’existe pas
de planète de rechange à l’heure actuelle. Les croissances démographique et
économique doivent être organisées afin d’être compatibles avec la protection
de l’environnement.
Sujet n°4 : La France ne compte plus à l’échelle internationale ?
La France vit dans la nostalgie d’une grandeur révolue.
Elle a l’illusion de compter encore à l’échelle internationale, alors qu’elle
est en déclin constant et incapable de résoudre les grands défis mondiaux.
La thèse du déclin de la France est le fruit d’une
comparaison historique inappropriée et d’une erreur sur l’appréciation de la
puissance à l’ère contemporaine. Il est de bon ton de dire que la France n’a
plus la place qui était la sienne du temps de Louis XIV ou de Napoléon. Encore
faudrait-il choisir la période: Austerlitz ou Waterloo ? Le Roi Soleil ou une
n de règne chaotique ? Certes, le temps où la France était la première
puissance européenne au sein d’un continent qui dominait le monde est révolu.
Mais à comparer avec d’autres périodes de l’histoire (Sedan, la saignée de la
Première Guerre mondiale, Vichy, Diên BiênPhu), la France a encore de solides arguments
à faire valoir.
L’erreur porte sur la notion de puissance. Celle-ci
ne peut plus se résumer au pouvoir de contraindre l’autre à agir ou au pouvoir
qu’un pays aurait d’imposer ses décisions aux autres.
Si d’ailleurs tel était le cas, même
l’hyperpuissance américaine ne pourrait être jugée comme remplissant ces
critères. Si l’on fait une typologie de la puissance, on constatera qu’à côté des
États-Unis qui dépassent de la tête et des épaules les autres États, il y a
entre une demi-douzaine et une dizaine de pays que l’on peut qualifier de
puissances mondiales, car ils ont vocation à s’exprimer sur une gamme étendue, voire
générale, de sujets. Ces puissances ne peuvent emporter seules la décision sur
aucun sujet, mais elles contribuent par leurs actions à les façonner.
La France fait partie de ce club restreint.
D’abord, pour des raisons objectives: elle a le sixième PIB mondial, est membre
permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, membre fondateur de l’UE,
fait partie du G8, du G20 et de l’OMC, possède l’arme nucléaire, et son
territoire s’étend de l’Europe aux Caraïbes, en passant par l’Océanie. Mais si
le monde porte une attention particulière à ce que peut faire la France sur la
scène internationale, c’est qu’elle semble véhiculer des valeurs à vocation
universelle. Certes, l’affirmation de la spécificité française peut parfois irriter.
Mais elle est souvent interprétée comme étant celle
d’un pays voulant défendre des causes qui dépassent son seul intérêt national.
Elle est encore créditée d’une capacité à penser de façon globale. Aucun pays
ne peut prétendre aujourd’hui résoudre seul des problèmes internationaux. Mais
la France est encore un pays qui compte à l’échelle internationale, c’est du
moins ce que pense le monde extérieur, qu’il le déplore ou qu’il s’en
réjouisse. Certes, l’émergence des autres puissances provoque nécessairement un
déclin relatif à la France. Elle diffusera d’autant mieux son message spécifique
qu’elle agira de façon multilatérale et qu’elle se débarrassera de certaines
attitudes arrogantes qui lui ont joué des tours par le passé. Ses responsables
doivent éviter le double piège de l’autodénigrement (« la France ne pèse plus
rien, elle doit abandonner toute velléité d’indépendance ») ou de l’exaltation
(« la France peut guider le monde »). Elle doit aussi maintenir une politique
internationale spécifique, dans la ligne du « gaullo-mitterrandisme », si elle
veut conserver une certaine attractivité.
L’intérêt porté par le monde à
l’élection présidentielle française de 2017 et la façon dont les faits et
gestes diplomatiques du nouveau président ont été scrutés lors des différents
sommets internationaux, tant par la presse que par les dirigeants étrangers,
confirment que la France demeure un pays qui compte sur la scène
internationale.
Sujet n°5 : Le réchauffement climatique sera évité grâce aux progrès technologiques ?
Les contraintes de nature juridique internationale,
comme celles contenues dans le protocole de Kyoto, sont inutiles pour lutter
contre le réchauffement climatique. Si ce dernier constitue une menace bien réelle,
la solution viendra des progrès de la technologie qui permettront de limiter la
consommation d’énergie ou l’émission de gaz polluants.
Cette posture est à contre-courant d’une prise de
conscience internationale du risque de changement climatique. Déjà en 1992, au
sommet de la Terre à Rio, les États les plus riches, pour lesquels une baisse
de croissance semblait plus supportable et qui étaient responsables des
émissions les plus importantes, avaient pris l’engagement de stabiliser leurs
émissions au niveau de 1990. En 1997, le protocole de Kyoto a traduit cette
volonté en engagements quantitatifs juridiquement contraignants. À l’époque,
les États-Unis acceptaient une réduction de 7 %, le Japon de 6 % et l’UE de 8
%. Pourtant, en 2001, les États-Unis, premiers émetteurs de gaz à effet de
serre d’origine humaine, ont décidé de ne pas ratifier le protocole. La Chine
en a fait de même. En 2007, au sommet du G8, les pays ont envisagé de réduire
leurs émissions de 50 % d’ici à 2050, mais à la demande des États-Unis, de la Chine
et du Japon, n’ont pas xé de mesures contraignantes pour arriver à ce
résultat. Pourquoi les États-Unis refusent-ils les engagements chiffrés dans la
réduction des gaz à effet de serre ? Lorsqu’il était président, Bill Clinton
revendiquait déjà une position à part à ce sujet, estimant qu’une telle mesure
de réduction affecterait le développement économique du pays. À cet argument,
le président Bush ajoutait également que la part humaine dans les émissions
n’était pas prouvée scientifiquement. Mais, plus fondamentalement, cette
posture correspond à une méfiance traditionnelle à l’égard de toute contrainte
d’ordre externe aux États-Unis et à une croyance en la supériorité
technologique des États-Unis et dans le fait que les progrès technologiques
permettent toujours de résoudre les problèmes, y compris d’ordre politique. Selon
ce courant de pensée, les forces du marché, l’attractivité économique
croissante pour ce secteur d’avenir suffiront à impulser les mouvements
nécessaires pour lutter contre le phénomène de réchauffement climatique. C’est le
marché –et non la réglementation– qui permettra de résoudre les difficultés.
C’est néanmoins sous-estimer l’ampleur du problème du réchauffement climatique
que de penser ainsi.
Un tel raisonnement induit déjà une inégalité entre
les pays riches et les autres, entre ceux capables de développer des
technologies nécessaires et ceux qui ne le pourront pas. C’est également
ignorer que la lutte contre le réchauffement climatique passe surtout par un
changement de comportement, aussi bien des entreprises que des individus, et
que seul l’État dispose de l’autorité et de la légitimité nécessaires pour
entreprendre une telle action. Qu’il s’agisse de réglementations (mise en place
de quotas d’émission de CO2), de normes contraignantes, de taxation (principe du
pollueur-payeur, taxe au carbone) ou de subventions (soutien financier ou
réglementaire aux technologies prometteuses avant qu’elles ne deviennent
compétitives), voire de l’orientation de la recherche –développement, le rôle
de l’État– et donc de la réglementation internationale contraignante pour
l’État –reste essentiel pour parvenir à un résultat.
En 2014, la Chine et les États-Unis s’engageaient à
réduire à terme leurs émissions de gaz à effet de serre. Les deux pays avaient
réalisé que le réchauffement climatique pouvait avoir un effet négatif sur leur
croissance. En 2015, la conférence internationale de Paris (COP21) a vu, pour
la première fois, les États participants prendre des engagements contraignants.
195 pays se sont ainsi engagés à contenir le réchauffement climatique sous la
barre des 1,5°C d’ici 2050.
Jugé insuffisant par certains, cet accord n’en est pas
moins un objectif commun, pour ne pas dire universel. Ainsi, une fois élu, D.Trump
dénonçait cet accord, le présentant comme contraire aux intérêts économiques
américains.
Sujet
n°6 : Y- a-t-il un complot pour
diriger le monde ?
Francs-maçons, Juifs, CIA, club de Bilderberg, États-Unis,
sociétés secrètes, firmes multinationales, etc. Tous sont régulièrement accusés
de diriger le monde en coulisses et de tirer les ficelles de chefs d’État et de
gouvernements, qui ne seraient ainsi que de « simples » exécutants.
Il est difficile de savoir comment se prennent les
décisions internationales. Il peut ainsi être réconfortant d’en attribuer la
décision à tel ou tel groupe. L’explication est confortable en ce qu’elle offre
un éclairage simple(iste). L’intérêt général n’étant pas toujours au
rendez-vous, il peut être tentant d’en attribuer l’origine à un groupe qui
aurait fait valoir son intérêt particulier. La mondialisation rend le pouvoir
plus lointain, difficilement identifiable et entrave ainsi la capacité à le
comprendre. Mais ces explications ne résistent pas à l’examen. Le monde est
tellement diversifié, les acteurs internationaux si multiples, qu’un seul
groupe, fut-il puissant et organisé, ne saurait imposer ses vues à tous. Même
l’hyperpuissance américaine n’y parvient pas. Tout événement international est
la résultante de multiples influences.
Comment expliquer que ces entités soient accusées
en particulier ? Les États-Unis le sont du simple fait de leur puissance
internationale inégalée. Les francs-maçons se réunissent de façon discrète et ont
longtemps été persécutés. Ils peuvent exercer une certaine influence en faveur
de leurs idées et revendiquent leur solidarité. Cependant, leur attribuer la
direction du monde relève du pur fantasme. Le groupe de Bilderberg ou la
Trilatérale réunissent des personnes influentes, qui se concertent sur la base
de la « règle de Chatham House », qui implique que la liberté des débats dépend
de leur caractère secret, d’où les soupçons de complotisme. Par définition, la
CIA agit de façon non publique. Mais ces lieux d’échanges entre personnes
exerçant par ailleurs des responsabilités ne sont pas des lieux de décisions.
Israël a un poids géopolitique supérieur à son poids démographique mais le fait
de dire que les Juifs –ce qui implique qu’ils sont donc tous d’accord–
dirigent le monde relève d’un antisémitisme traditionnel. À la fin du 19e
siècle, la police secrète du Tsar avait élaboré de faux documents, Le protocole
des sages de Sion qui prétendait à un complot mondial des Juifs pour diriger le
monde.
La théorie du complot est en fait démobilisatrice:
s’il y a un complot pour diriger le monde, le combat pour les libertés et la
transparence, le progrès, les droits de l’homme, est perdu d’avance. L’argument
complotiste n’est pas seulement une excuse pour ne pas comprendre, il est
également un alibi pour ne rien faire.
Mais dénoncer les thèses complotistes ne doit pas conduire
à nier les stratégies d’influence. La CIA a bel et bien œuvré pour renverser
Mossadegh en Iran en 1953 ou
Salvador Allende en 1973, la Trilatérale ou le
groupe de Bilderberg agissent en faveur du libéralisme économique, les
États-Unis exercent bien, comme d’ailleurs tous les
États avec leurs propres moyens, des stratégies
d’influence afin de conquérir les opinions publiques. S’il convient d’être vigilant
par rapport aux thèses complotistes, cela ne doit pas empêcher d’être lucide par
rapport aux stratégies d’influence.
La dénonciation du complotisme ne peut déboucher
sur son pendant inverse, tout aussi dangereux: l’absence de sens critique.
Les mensonges d’État –comme celui de George W.Bush sur
la présence d’armes de destruction massive en Irak avant la guerre de 2003–
alimentent également les « théories du complot » en décrédibilisant la parole officielle.
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