TR: l’Union européenne


TR: L’Union européenne
Sommaire:
1-Eléments de la géographie -L'UE-
2-Depuis 2010 : crise financière,  crise migratoire et Brexit
3-Les principaux traités de l'UE
4-Enjeux et débats: Le point sur les prochains élargissements
5- Les principales  politiques

               5-1-L'espace shengen
               5-2 Le marché unique 

               5-3. La politique agricole commune (PAC) et le développement rural
               5-4. La politique de cohésion, dite « régionale »
               5-5. La politique commerciale commune
               5-6. La politique sociale
               5-7. Les coopérations renforcées  et la différenciation
               5-8. La politique étrangère et de sécurité commune (PESC)
               5-9. La stratégie Europe 2020

1- Éléments de géographie
-l’Union européenne-
L’Union européenne compte vingt-huit pays représentant environ 3 % des terres et 7 % de la population mondiale. Le produit intérieur brut (PIB) par habitant y est l’un des plus élevés au monde.
Les indices de volume du PIB par habitant en standards de pouvoir d’achat (SPA) indiqués  ci-dessous sont exprimés par rapport à la moyenne de l’Union européenne, fixée à 100 Ils sont un indicateur de la richesse d’un pays Ils proviennent de la base de données  d’Eurostat et concernent 2017 (données de juin 2018). Les chiffres de population  correspondent à l’estimation Eurostat pour 2018 (voir http://ec.europa.eu/eurostat).
a) L’Union européenne en 2019  avec le Royaume-Uni
Superficie : 4,46 millions de km²
Nombre d’habitants : 512,7 millions
PIB des 28pays membres : environ 15 377 milliards d’euros
Indice PIB par habitant en SPA : 100 (valeur de référence)
a bis) L’Union européenne en 2019 sans le Royaume-Uni
Superficie : 4,22millions de km²
Nombre d’habitants : 446,5 millions
PIB des 27 pays membres : environ 13 045 milliards d’euros
Indice PIB par habitant en SPA : 100  (valeur de référence)
b) Les six pays fondateurs (1951)
Allemagne
Capitale : Berlin
Superficie : 357 000 km²
Nombre d’habitants : 82,9 millions
Langue officielle : allemand
Indice PIB par habitant en SPA : 124
France
Capitale : Paris
Superficie : 544 000 km²  en métropole (avec l’outre-mer, 663 000 km²)
Nombre d’habitants : 67,2 millions
Langue officielle : français
Indice PIB par habitant en SPA : 106
  Attention !
L’indice de volume du PIB par habitant en standards de pouvoir d’achat (SPA) est exprimé  par rapport à la moyenne de l’Union européenne (EU28), fixée à 100. Si l’indice d’un pays  est supérieur à 100, le niveau du PIB par tête pour ce pays est supérieur à la moyenne de l’UE et vice versa. Les chiffres de base sont exprimés en SPA, c’est-à-dire dans une  « monnaie » commune qui élimine les différences de niveaux de prix entre les pays et  permet des comparaisons significatives du PIB en volume entre ces derniers.

République d’Italie
Capitale : Rome
Superficie : 301 000 km²
Nombre d’habitants : 60,5 millions
Langue officielle : italien
Indice PIB par habitant en SPA : 96
Royaume des Pays-Bas
Capitale : Amsterdam
Superficie : 42 000 km²
Nombre d’habitants : 17,2 millions
Langue officielle : néerlandais
Indice PIB par habitant en SPA : 128
Royaume de Belgique
Capitale : Bruxelles
Superficie : 31 000 km²
Nombre d’habitants : 11,4 millions
Langues officielles : français, néerlandais, allemand
Indice PIB par habitant en SPA : 117
Grand-Duché de Luxembourg
Capitale : Luxembourg
Superficie : 2 600km²
Nombre d’habitants : 0,6million
Langues officielles : français, allemand,  luxembourgeois
Indice PIB par habitant en SPA : 253

c) Premier élargissement (1973)
Royaume-Uni
Capitale : Londres
Superficie : 243 000km²
Nombre d’habitants : 66,2 millions
Langue officielle : anglais
Indice PIB par habitant en SPA : 105
Royaume du Danemark
Capitale : Copenhague
Superficie : 43 000 km²
Nombre d’habitants : 5,8 millions
Langue officielle : danois
Indice PIB par habitant en SPA : 128
République d’Irlande
Capitale : Dublin
Superficie : 70 000 km²
Nombre d’habitants : 4,8 millions
Langues officielles : irlandais, anglais
Indice PIB par habitant en SPA : 181
d)  Élargissement  « sud »   (1981 et 1986)
République de Grèce (1981)
Capitale : Athènes
Superficie : 132 000 km²
Nombre d’habitants : 10,7 millions
Langue officielle : grec
Indice PIB par habitant en SPA : 67
Royaume d’Espagne (1986)
Capitale : Madrid
Superficie : 505 000 km²
Nombre d’habitants : 46,7 millions
Langue officielle : espagnol
Indice PIB par habitant en SPA : 92
République du Portugal (1986)
Capitale : Lisbonne
Superficie : 92 000 km²
Nombre d’habitants : 10,3 millions
Langue officielle : portugais
Indice PIB par habitant en SPA : 77

e) Élargissement « nord » (1995)
Royaume de Suède
Capitale : Stockholm
Superficie : 450 000 km²
Nombre d’habitants : 10,1millions
Langue officielle : suédois
Indice PIB par habitant en SPA : 121
Autriche
Capitale : Vienne
Superficie : 84 000 km²
Nombre d’habitants : 8,8millions
Langue officielle : allemand
Indice PIB par habitant en SPA : 127
République de Finlande
Capitale : Helsinki
Superficie : 338 000km²
Nombre d’habitants : 5,5millions
Langue [s] officielle [s] : finnois et suédois
Indice PIB par habitant en SPA : 109
f) Élargissement « est » : quatre  pays d’Europe centrale (2004)
Pologne
Capitale  : Varsovie
Superficie: 313 000 km²
Nombre d’habitants : 38,0 millions
Langue officielle: polonais
Indice PIB par habitant en SPA : 70
République tchèque
Capitale : Prague
Superficie: 79 000 km²
Nombre d’habitants : 10,6 millions
Langue officielle: tchèque
Indice PIB par habitant en SPA : 89
Hongrie
Capitale : Budapest
Superficie: 93 000 km²
Nombre d’habitants : 9,8 millions
Langue officielle: hongrois
Indice PIB par habitant en SPA : 68
République de Slovaquie
Capitale : Bratislava
Superficie: 49 000 km²
Nombre d’habitants : 5,4 millions
Langue officielle: slovaque
Indice PIB par habitant en SPA : 76
f) Élargissement « est » : quatre  pays d’Europe centrale (2004)
Pologne
Capitale  : Varsovie
Superficie: 313 000 km²
Nombre d’habitants : 38,0 millions
Langue officielle: polonais
Indice PIB par habitant en SPA : 70
République tchèque
Capitale : Prague
Superficie: 79 000 km²
Nombre d’habitants : 10,6 millions
Langue officielle: tchèque
Indice PIB par habitant en SPA : 89
Hongrie
Capitale : Budapest
Superficie: 93 000 km²
Nombre d’habitants : 9,8 millions
Langue officielle: hongrois
Indice PIB par habitant en SPA : 68
République de Slovaquie
Capitale : Bratislava
Superficie: 49 000 km²
Nombre d’habitants : 5,4 millions
Langue officielle: slovaque
Indice PIB par habitant en SPA : 76
g) Élargissement « est » :   trois Républiques baltes (2004)
Lituanie
Capitale  : Vilnius
Superficie: 65 000 km²
Nombre d’habitants : 2,8 millions
Langue officielle: lituanien
Indice PIB par habitant en SPA : 78
Lettonie
Capitale : Riga
Superficie: 65 000 km²
Nombre d’habitants : 1,9 millions
Langue officielle: letton
Indice PIB par habitant en SPA : 67
Estonie
Capitale : Tallinn
Superficie: 45 000 km²
Nombre d’habitants : 1,3 million
Langue officielle: estonien
Indice PIB par habitant en SPA : 79
h) Élargissement « est » :   deux îles (2004)
Chypre
Capitale : Nicosie
Superficie: 9 300 km²
Nombre d’habitants : 0,9 million
Langues officielles : grec, turc
Indice PIB par habitant en SPA : 85
Malte
Capitale : La Valette
Superficie: 316 km²
Nombre d’habitants : 0,5 million
Langue [s] officielle [s] : maltais et  anglais
Indice PIB par habitant en SPA : 96
i) Élargissement « est » : un État  issu de l’ex-Yougoslavie (2004)
République de Slovénie
Capitale : Ljubljana
Superficie: 20 000km²
Nombre d’habitants : 2,1millions
Langue officielle: slovène
Indice PIB par habitant en SPA : 85
j) Deux États devenus membres en 2007
Roumanie
Capitale : Bucarest
Superficie: 239 000km²
Nombre d’habitants : 19,5millions
Langue officielle: roumain
Indice PIB par habitant en SPA : 63
Bulgarie
Capitale : Sofia
Superficie: 111 000 km²
Nombre d’habitants : 7,1 millions
Langue officielle: bulgare
Indice PIB par habitant en SPA : 49
k) Adhésion de la Croatie en 2013
Croatie
Capitale : Zagreb
Superficie : 56 542 km²
Nombre d’habitants : 4,1 millions
Langue officielle: croate
Indice PIB par habitant en SPA : 62


2-
Depuis 2010 : crise financière,  crise migratoire et Brexit
1. La crise financière et le renforcement  de la gouvernance économique de la zone euro
À peine sortis de la difficile réforme institutionnelle, les Vingt-Sept sont  confrontés, à partir de 2010, à une crise de la dette publique affectant les  pays de la zone euro.
Des mécanismes d’assistance financière sont mis en place pour soutenir les  économies de l’Irlande, du Portugal, de la Grèce, de l’Espagne et de Chypre.
Ces mécanismes donnent naissance, à partir de 2012, au « Mécanisme européen de stabilité », qui fournit un soutien financier aux membres de la zone euro connaissant des difficultés budgétaires. Parallèlement, afin de prévenir de nouvelles crises de la dette publique, vingt-cinq pays européens  signent un « Pacte budgétaire européen », engagement à respecter l’équilibre budgétaire. Ainsi, les dépenses de fonctionnement d’un État doivent être financées par ses recettes et ne peuvent pas l’être par l’endettement.
Fin 2018, les ministres des Finances des dix-neuf pays de la zone euro s’accordent sur un futur budget de cette zone, nommé « instrument budgétaire ». Ce budget commun doit faciliter la convergence économique des pays ayant adopté l’euro. Ses caractéristiques et son montant seront  précisés en juin 2019.
2. Le Nobel de la paix
En 2012, l’Union européenne reçoit le prix Nobel de la paix à Oslo. Il récompense sa contribution à la paix, à la démocratie et aux droits de l’homme  au cours des soixante ans de son histoire.
3. L’adhésion de la Croatie : l’Europe des Vingt-Huit
L’heure est aussi à la préparation d’un nouvel élargissement de l’Union en  direction des pays issus de l’ex-Yougoslavie. La Croatie adhère en juillet
2013. Les autres pays des Balkans occidentaux –l’Ancienne République yougoslave de Macédoine, le Monténégro, la Serbie, la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo et l’Albanie– ont vocation à rejoindre, à terme, l’Union européenne.
4. La crise migratoire
Au printemps 2015, les conflits et les crises en Syrie et au Proche-Orient provoquent l’arrivée en Europe d’un nombre considérable de réfugiés et de migrants. Face à cette crise des réfugiés, plusieurs États membres réintroduisent les contrôles aux frontières tandis que d’autres bâtissent des barrières physiques remettant en cause un des principes fondateurs de l’Union européenne, sur lequel s’appuie l’espace Schengen : la libre circulation des personnes. Le plan de répartition solidaire des réfugiés, présenté par la Commission européenne en septembre 2015, se heurte à la résistance de plusieurs États membres. L’UE décide alors de limiter l’afflux de migrants par un contrôle renforcé de ses frontières extérieures grâce à la création, fin 2016, du Corps européen de gardes-frontières et de garde-côtes. Parallèlement, elle accroît sa coopération économique avec plusieurs États africains en échange d’un meilleur contrôle des routes migratoires de leur part.
5. La sécurité intérieure
Suite aux attentats terroristes commis dans plusieurs pays européens (France en 2015 et 2016, Belgique en 2014 et 2016, etc.), l’Union renforce sa sécurité intérieure et sa capacité à lutter contre ce type de menace.
La Commission européenne adopte notamment un ensemble de mesures destinées à renforcer la capacité de l’UE à lutter contre le financement du terrorisme et de la criminalité organisée.
6. L’environnement
Les considérations environnementales prennent une importance croissante dans les politiques européennes. En 2016, les ministres de l’UE approuvent la ratification par l’Union de l’« Accord de Paris » sur le changement climatique, adopté en décembre 2015 dans le cadre de la COP21, conférence internationale sur le climat.
7. Le Brexit
En juin 2016, le peuple britannique, consulté par référendum, choisit de quitter l’Union européenne: c’est le Brexit –terme né de la contraction des mots « British » et « exit » (sortie) et signifiant donc la sortie du Royaume-Uni de l’UE. Le processus du Brexit dure depuis cette date, le temps pour le Royaume-Uni de négocier avec l’Union les modalités de son départ, en principe prévu en mars 2019. Au moment où cet ouvrage est rédigé, une incertitude demeure quant à la sortie du Royaume-Uni à cette date.
Les adhésions à l’Union européenne
Date
Pays adhérents                                                                   
L’Europe des…
1951
France,  Allemagne, Italie, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg             
6
1973
Danemark, Irlande, Royaume-Uni                                                     
9
1981
 Grèce                                                                                           
10
1986
 Espagne, Portugal                                                                          
12
1995
Autriche, Finlande, Suède                                                              
15
2004

4pays d’Europe centrale : Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie
3pays baltes : Lettonie, Lituanie, Estonie
2îles : Chypre, Malte
1pays de l’ex-Yougoslavie : Slovénie                                                      

25
2007
Bulgarie, Roumanie                                                                        
27
2013
Croatie
28
2019
Le Royaume-Uni quitte l’UE                                                           
27

3-
Les principaux traités
Traité
Lieu et date de signature
Raisons d’être
Politiques communes
Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA)
Paris1951
Réconciliation franco-allemande et début de la coopération économique
Mise en commun des ressources de charbon et d’acier
Communauté
économique
européenne (CEE)
Communauté européenne  de l’énergie  atomique (CEEA ou  Euratom)
Rome
1957

Europe économique
Extension de la méthode communautaire,
instaurée par le charbon et l’acier, à
l’ensemble des secteurs de l’économie :
politique commerciale, politique de la
concurrence, politique monétaire, transports,
énergie, agriculture
L’énergie nucléaire fait l’objet d’un traité
distinct (traité instituant la CEEA)
Acte unique
européen


Luxembourg
et La Haye
1986
Marché unique
européen et début
de la coopération
politique

Création d’un marché unique européen
grâce à l’harmonisation des lois internes des
États
Coopération politique et diplomatique
traité de
Maastricht


Maastricht
1992

Europe politique,
monnaie commune

Extension de la coopération européenne
et de la méthode communautaire à de
nombreux secteurs : politique extérieure
et de sécurité commune, justice et affaires
intérieures, union monétaire (euro),
citoyenneté européenne, éducation et
formation professionnelle, culture, santé
publique et protection des consommateurs,
réseaux transeuropéens, politique industrielle,
jeunesse
Traité
d’Amsterdam

Amsterdam
1997

Réforme des
institutions pour
permettre à l’Union
de fonctionner à
27pays et plus
Échec de la réforme des institutions mais
avancées dans le domaine de la justice et des
affaires intérieures (espace Schengen)
Traité de Nice

Nice
2001

Réforme des institutions a minima pour  permettre l’élargissement de 2004
Traité de
Lisbonne


Lisbonne
2007


Réforme des institutions
Le processus d’adoption des textes par le  Conseil de l’Union européenne est simplifié
Un texte est adopté par le Conseil à la
majorité qualifiée s’il obtient le soutien de 55 % des États représentant au moins 65 % de la population de l’Union Le Conseil européen a une présidence stable  avec un président élu pour une durée de  deux ans et demi, renouvelable une fois Un poste de Haut Représentant de l’Union  pour les affaires étrangères et la politique de
sécurité est créée
Adhésion  et retrait de l’UE
1. L’adhésion à l’Union européenne
L’histoire de l’Union européenne est marquée par une volonté constante  d’ouverture, si bien que ses limites sont sans cesse repoussées. Initialement  constituée de six États membres, l’Union en compte aujourd’hui vingt-sept. La  chute du mur de Berlin et l’adhésion, depuis 2004, de treize nouveaux pays ont cependant contribué à poser la question des limites de l’Union européenne.
1. Les « critères de Copenhague »
En 1993, le Conseil européen de Copenhague a défini les critères d’accession à l’UE pour les pays candidats :
–  critères juridiques : le respect de la démocratie, des droits de l’homme et des libertés fondamentales doit être garanti ;
–  critères économiques : les États doivent avoir une économie de marché suffisamment libéralisée pour supporter le choc de la libre concurrence ;
–  critères administratifs : les États doivent pouvoir appliquer le droit de l’Union.
En outre, les pays candidats doivent reprendre l’acquis de l’Union, c’est-à-dire intégrer dans leur législation nationale l’ensemble des principes, des règles et des objectifs qui fondent l’Union européenne.
2. Le processus d’adhésion
L’adhésion d’un État est précédée d’une phase de négociations entre le pays candidat et les États membres, dans un cadre établi par le Conseil d’après les recommandations de la Commission. Durant cette phase de négociations, la Commission est omniprésente. Elle aide les États membres à préparer des positions communes de négociation et, parallèlement, elle aide les pays candidats à se conformer progressivement aux critères de Copenhague. En revanche, après la phase de négociations, ce sont essentiellement les États –les ministres réunis au Conseil de l’Union européenne, les chefs d’État et de gouvernement, les parlements nationaux, les peuples– qui ont le pouvoir de décision.
3. Les pays candidats et le programme de préadhésion
Cinq États sont candidats « officiels » ; il s’agit de la Turquie, de l’Albanie et de trois pays issus de l’ancienne Yougoslavie : la république de  Macédoine du Nord, le Monténégro et la Serbie. Un pays est candidat « officiel » lorsqu’il a déposé sa candidature et que celle-ci a été acceptée  par le Conseil européen.
Deux pays, également issus de l’ancienne Yougoslavie, sont candidats « potentiels » : la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo.
Un fonds de préadhésion, nommé « Instrument d’aide de préadhésion » (IAP), est destiné à aider les candidats et les candidats « potentiels » à entreprendre les réformes politiques et économiques nécessaires afin de remplir les critères d’adhésion à l’UE. Doté de 11,7 milliards d’euros, le programme actuel (IAPII) couvre la période 2014-2020.
2. Suspension de l’Union européenne
Si un État membre viole de façon grave et persistante les valeurs sur  lesquelles est fondée l’Union –respect de la dignité humaine, liberté, démocratie, égalité, État de droit, respect des droits de l’homme (en particulier des minorités)–, le pays visé peut voir une partie de ses droits suspendus, notamment son droit de vote au Conseil. En revanche, les obligations qui  incombent à l’État restent contraignantes.
En pratique (selon l’article7 du TUE), le Parlement européen, la Commission européenne ou au moins un tiers des États membres peuvent demander au Conseil de constater un risque de violation. L’État visé peut présenter ses observations au Conseil. Le Conseil européen doit ensuite constater à l’unanimité (moins le pays visé) l’existence de cette violation. Le Conseil de l’UE peut alors suspendre certains des droits du pays à la majorité qualifiée.
 ■ Exemple
La suspension des droits de vote enclenchée contre la Hongrie
En septembre 2018, le Parlement européen vote le déclenchement l’article 7 du TUE contre la Hongrie. L’article7-3 du TUE prévoit en effet que « le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, peut décider de suspendre certains des droits découlant de l’application des traités à l’État membre en question, y compris les droits de vote du représentant du gouvernement de cet État membre au sein du Conseil. » Le Parlement européen reproche notamment à la Hongrie des faits de corruption et de conflits d’intérêts, des atteintes au fonctionnement du système constitutionnel et électoral, à l’indépendance de la justice et aux libertés individuelles. Néanmoins, la suspension du droit de vote ne peut intervenir qu’au terme d’un vote à l’unanimité du Conseil européen (moins le pays visé). Or la Hongrie peut compter sur le soutien de la Pologne, elle-même visée en 2017 par la même procédure et soutenue par la Hongrie. La nécessité d’un vote à l’unanimité rend donc peu probable le retrait du droit de la Hongrie (comme celui de la Pologne).
3. Retrait de l’Union européenne et Brexit
1. Retrait de l’Union européenne
Depuis le traité de Lisbonne, « tout État membre peut décider […] de se  retirer de l’Union » (article50 du TUE). Cet article fixe, en quelques lignes,  les modalités du retrait : « L’État membre qui décide de se retirer notifié son intention au Conseil européen. […] l’Union négocie et conclut avec cet État un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l’Union. […] Les traités cessent d’être applicables à l’État concerné à partir de la date d’entrée en vigueur de l’accord de retrait »  ou, à défaut, deux ans après que l’État a notifié son intention au Conseil européen.
« Si l’État qui s’est retiré de l’Union demande à adhérer à nouveau », sa demande est soumise à la procédure normale d’adhésion.
a) Le Brexit
En juin 2016, consulté par référendum, le peuple britannique choisit de quitter l’Union européenne. La participation au vote est supérieure à 72 %, un record pour le pays, et le camp du « leave » (favorable à la sortie de l’UE) recueille près de 52% des suffrages. En mars 2017, la Première ministre britannique, Theresa May, active l’article 50 du TUE. Cette notification au Conseil européen marque le début de deux années d’âpres négociations sur les conditions du retrait du Royaume-Uni de l’Union.
Le Français Michel Barnier est le négociateur en chef et représente les 27 États membres de l’UE. En novembre 2018, le Royaume-Uni et l’UE parviennent à un accord qui fixe les modalités du retrait. Le Royaume-Uni doit quitter l’Union en mars 2019. Au moment où cet ouvrage est rédigé, une incertitude demeure sur la ratification par le Royaume-Uni de l’accord de retrait et même sur la sortie effective du Royaume-Uni.
b) Les conséquences du Brexit
Les avis divergent sur les conséquences du Brexit tant pour le Royaume-Uni que pour l’UE. Selon certaines analyses, cette sortie est une catastrophe économique pour le Royaume-Uni ; d’autres estiment qu’elle peut constituer un choc salutaire susceptible de relancer la machine européenne En tout état de cause, l’Union européenne perd un poids lourd démographique 4, une grande puissance économique 5, une place financière mondiale 6, une de ses rares puissances militaires avec la France 7, un partenaire privilégié des États-Unis et un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU 8.
c) Les futures relations entre le Royaume-Uni et l’UE
Les futures relations entre le Royaume-Uni et l’Union, particulièrement les relations commerciales, font l’objet de négociations distinctes de l’accord de retrait. Elles se poursuivront plusieurs années après le retrait. Michel Barnier indique, en novembre 2018: « Notre intérêt mutuel, c’est bien de bâtir un partenariat ambitieux sur les biens, les services, le numérique, la mobilité, les transports, les marchés publics, l’énergie, la sécurité intérieure et évidemment, pour la stabilité de notre continent, la politique étrangère –avec ce pays qui restera actif au sein du Conseil de sécurité des Nations unies–, la défense et dans bien d’autres domaines. […] Le partenariat avec le Royaume-Uni sera sans précédent par l’étendue et le nombre des sujets de  coopération. » 9
d) La question de la frontière irlandaise
L’Irlande du Nord fait partie du Royaume-Uni alors que la République d’Irlande reste dans l’UE. Mais ni la République d’Irlande ni le Royaume-Uni ne veulent que soit établie une frontière entre Irlande du Nord et République d’Irlande. Cette frontière entraverait les échanges et remettrait en question l’accord de paix dit « du Vendredi saint » 10. Ce traité a mis fin, en avril 1998, à trente ans de troubles sanglants en Irlande du Nord qui rent plus de 3 500 morts. Il instaurait des coopérations entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande, et indiquait qu’aucune frontière ne devait être établie entre les deux pays.

 Pour sortir de ce casse-tête et éviter l’instauration d’une telle frontière physique, l’accord qui fixe les modalités du retrait prévoit de maintenir le Royaume-Uni dans l’union douanière tant que le traité sur les futures relations commerciales entre le Royaume-Uni et l’UE n’est pas conclu.11
Mais cette période transitoire risque de durer si les deux parties ne parviennent pas à s’entendre sur leurs futures relations commerciales. Cette incertitude rend difficile la ratification par le Parlement britannique de l’accord négocié par la Première ministre britannique, Theresa May.




4.  Le Royaume-Uni représente 13% de la population de l’UE (avec 66 millions de Britanniques pour 511,8 millions d’Européens en janvier 2017, chiffres Eurostat).
5.  Le Royaume-Uni est la 5e économie mondiale derrière les États-Unis, la Chine, le Japon  et l’Allemagne (et très proche de la France et de l’Inde –en PIB, données 2017 du FMI). Le Royaume-Uni représente 13,5 % du PIB de l’UE.
6.  La City de Londres est une des principales places financières du monde, avec New York et Tokyo.
7.  Le Royaume-Uni a le budget de la défense le plus important au sein des pays de l’UE.
8.  Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU sont la Chine, les États-Unis, la Russie, la France et le Royaume-Uni.
9.  Déclaration de Michel Barnier devant la session plénière du Parlement européen sur les négociations « Article50 » avec le Royaume-Uni, 29novembre 2018.

5-
Enjeux et débats
Le point sur les prochains élargissements
Les candidatures de la Turquie, l’Albanie, la république de Macédoine du Nord, le Monténégro et la Serbie ont été acceptées. Ces cinq pays sont donc officiellement candidats ; néanmoins, aucune adhésion prochaine n’est prévue. La Serbie et le Monténégro semblent les mieux préparés et pourraient être prêts à adhérer d’ici à 2025. On note que la Turquie, reconnue officiellement candidate depuis 1999, bénéficie d’un accord d’association depuis 1964 et d’un accord de libre-échange depuis 1995.
Les deux autres États des Balkans occidentaux, la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo, pourraient adhérer à l’Union à plus long terme. Ces adhésions paraissent légitimes tant sur le plan géographique que sur le plan géopolitique. Jaap de Hoop Scheffer, ancien secrétaire général de l’OTAN de 2004à 2009, résume :
« Il n’y a qu’une seule solution pour assurer une sécurité et une stabilité durables dans les Balkans de l’Ouest. Cela consiste, à terme, à voir les pays de cette région devenir membres de l’OTAN et de l’Union européenne. »
Pays prospères et démocratiques, l’Islande, la Norvège et la Suisse répondent globalement aux critères de Copenhague mais ont choisi de rester à l’écart de l’Union européenne (1). L’adhésion des « micro-États » (Andorre, Liechtenstein, Monaco, Saint-Marin, Vatican) n’est pas non plus à l’ordre du jour.
La candidature turque
La candidature de la Turquie a été acceptée en 1999 et les négociations ont commencé en 2005. Néanmoins, la perspective de cette adhésion suscite beaucoup d’interrogations. La Commission européenne défend la poursuite des négociations avec la Turquie. Olli Rehn, ancien commissaire européen chargé de l’élargissement de 2004 à 2010, déclarait en 2005 :
« L’Europe a besoin à ses côtés d’une Turquie stable, démocratique, prospère et en paix avec ses voisins, qui respecte nos valeurs, nos règles de droit, nos normes en matière de droits de l’homme, d’économie, de politique sociale ou d’environnement. Il y va de notre intérêt stratégique en ce moment particulier où les relations avec le monde musulman en Europe et hors d’Europe constituent l’un des défis majeurs de ce début de siècle. Or, le processus de négociation représente le moyen le plus efficace pour atteindre cet objectif et permettre à l’UE de servir de levier au développement du pays. »
 Malgré les tensions politiques entre l’UE et la Turquie liées au respect de l’État de droit, Federica Mogherini, la Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a appelé, en novembre 2016, à « garder les canaux de communication ouverts » avec la Turquie. Geler les négociations d’adhésion serait, d’après elle, une erreur où « tout le monde serait perdant»(2).
 Les limites de l’Union européenne
La question des frontières définitives de l’UE reste ouverte. La Moldavie, l’Ukraine, la Biélorussie, la Géorgie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan ont-ils vocation à adhérer un jour à l’Union ? Hubert Védrine, ancien ministre français des Affaires étrangères, donne sa vision de la question de l’élargissement :
« Il faut stabiliser la géographie de l’Europe, qui ne peut être un ensemble gazeux extensible à l’infini. Dans un premier temps, [l’UE] devrait dire qu’il y aura une limite quelque part, ce qui n’est jamais dit. Ces limites seront sans doute un peu au-delà des Vingt-Cinq mais très en deçà des quarante-six membres du Conseil de l’Europe. Déjà, ce serait rassérénant. (3) »
Le Conseil économique, social et environnemental français, dans son avis intitulé « L’Union européenne à la croisée des chemins » (mai 2014), soutient la même idée : « Les citoyens européens ne pourront adhérer à un projet commun que si son contenu est clairement énoncé et son champ délimité. En d’autres termes, l’Union a besoin de frontières pour que puisse s’établir un sentiment d’appartenance à un espace politique déterminé. »
L’indépendance d’une région
S’ils prévoient la possibilité pour un pays de se retirer de l’Union, les traités ne prévoient rien, en revanche, dans le cas où une région se sépare d’un pays membre de l’Union. Le Comité européen des régions s’est penché sur la question et a rendu, en avril 2013, un avis consultatif dans lequel il suggère que, dans l’hypothèse où une région obtiendrait son indépendance et souhaiterait rester dans l’UE, le nouveau pays ainsi créé devrait présenter sa candidature pour devenir membre de l’Union, à l’instar de tout autre État. La question pourrait se poser à l’avenir pour l’Écosse (au Royaume-Uni), la Catalogne (en Espagne) ou encore la Flandre (en Belgique).
5-
Les principales  politiques
5-1-L'espace shengen
Ce chapitre présente neuf politiques essentielles de l’Union européenne.
Une politique se caractérise par son histoire, ses objectifs, son organisation, son financement, ses résultats et ses perspectives.
1. L’espace de liberté, de sécurité   et de justice : la libre circulation des personnes
Le trafic de drogue, le terrorisme, le crime organisé, le blanchiment d’argent, les trafics d’armes et d’êtres humains, la corruption et l’exploitation sexuelle  des enfants sont des activités criminelles transfrontalières que seule une  coopération internationale peut permettre de combattre efficacement.
1. Rappel historique
L’accord de Schengen est signé en 1985, en dehors du cadre des Communautés européennes, par cinq (Allemagne de l’Ouest, France, pays du Benelux) des six États membres fondateurs. Par la suite, de nombreux  autres États, y compris des États non-membres de l’UE, comme l’Islande et la Norvège, l’ont signé. Cet accord instaure entre les États signataires la suppression des contrôles aux frontières, assortie d’une harmonisation de la politique des visas et d’une coopération policière et judiciaire.
Le traité de Maastricht, en 1992, établit une politique de « justice et affaires intérieures », qui institue une coopération policière et judiciaire ; elle débute très modestement en raison de la lourdeur de la méthode intergouvernementale alors en vigueur dans ce domaine.
La méthode change avec le traité d’Amsterdam, en 1997, et surtout, à partir de 2009, avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. La méthode communautaire, plus énergique, peut s’appliquer à des domaines tels que le contrôle des frontières, le droit d’asile, l’immigration, les visas et la coopération judiciaire. Pour marquer cette avancée, les termes « justice et affaires intérieures » sont remplacés depuis 1997 par « espace de liberté, de sécurité et de justice ».
Au printemps 2015, les conflits et les crises en Syrie et au Proche-Orient provoquent l’arrivée en Europe d’un nombre considérable de réfugiés et de migrants. Face à cette crise migratoire, plusieurs États membres réintroduisent des contrôles aux frontières tandis que d’autres bâtissent des barrières physiques (des murs) qui remettent en cause un des principes fondateurs de l’espace Schengen.
Attention !
L’accord de Schengen a été signé en 1985 (en dehors du cadre des Communautés). Il  est entré en vigueur en 1995 et a été intégré au traité sur l’Union européenne en 1997.
2. Objectifs
Le traité sur l’Union européenne stipule que l’Union doit constituer un « espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes, en liaison avec des mesures appropriées en matière de contrôle des frontières extérieures, d’asile, d’immigration ainsi que de prévention de la criminalité ». Concrètement, il s’agit donc :
–  d’assurer la libre circulation des personnes ;
–  d’assortir cette liberté de mesures appropriées dans le domaine du contrôle des frontières extérieures (contrôle des frontières, politique de l’immigration, droit d’asile) et en matière de lutte contre la criminalité (coopération policière et coopération judicaire)
3. Organisation
a) L’espace Schengen et les politiques d’immigration et d’asile
Pour les États de l’Union faisant partie de l’espace Schengen, les contrôles  aux frontières intérieures de l’Union ont été supprimés. En 2019, vingt-six pays sont membres de l’espace Schengen : Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Islande, Italie, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Malte, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Slovaquie, Slovénie, Suède et Suisse.
 Attention !
Vingt-deux des vingt-sept États membres de l’Union européenne appartiennent à la
zone Schengen. Manquent le Royaume-Uni et l’Irlande (qui ont choisi de rester à l’écart), Chypre (qui doit améliorer le contrôle de ses frontières), la Bulgarie, la Roumanie et la  Croatie (qui sont les derniers États ayant adhéré à l’UE).
Bien que n’étant pas membres de l’UE, l’Islande et la Norvège font partie de la zone
Schengen. Ces deux pays ont un accord de libre circulation avec le Danemark, antérieur
à l’accord de Schengen. La Suisse et le Liechtenstein, enclavés dans l’Union européenne,  ont aussi rejoint l’espace Schengen.

Parallèlement à la suppression des frontières intérieures, des règles sont instaurées pour le contrôle des frontières extérieures de l’Union. Le traité de Lisbonne accroît les compétences de l’Union dans ce domaine et permet de :
–  constituer une unité de surveillance des frontières ;
–  se doter d’une politique commune en matière de droit d’asile ;
–  mettre en place une politique commune en matière d’immigration.
b) La coopération judicaire et la coopération policière
  La coopération judicaire repose sur la confiance réciproque des États membres dans le fonctionnement de leurs systèmes judicaires respectifs.
Cette confiance permet notamment la reconnaissance mutuelle des décisions de justice avec le « mandat d’arrêt européen » et un traitement plus efficace des affaires transfrontalières. L’Unité de coopération judiciaire de l’Union européenne (Eurojust, créée en 2002) est chargée de faciliter cette  coopération judicaire.
La coopération policière est assurée par l’Office européen de police (Europol, devenue « agence européenne » en 2009) qui a pour mission de développer la coopération entre États membres dans les domaines de la lutte contre la criminalité internationale, le terrorisme et toute forme de criminalité portant atteinte à une politique de l’Union.
c) Les outils de l’espace de liberté, de sécurité et de justice
L’ouverture des frontières s’accompagne d’une collaboration accrue en matière de visas et de coopération judiciaire. Cette coopération repose principalement sur le système d’information Schengen (SIS). Il s’agit d’une vaste base de données sur les personnes, partagée entre les « États Schengen » afin de sécuriser la délivrance d’un visa ou le contrôle d’un ressortissant d’un pays tiers, et de rechercher ou de surveiller des personnes ou des  objets. Depuis 2014, le SIS vise aussi les ressortissants signalés pour « radicalisation » par leur pays d’origine, qui veulent quitter ou gagner l’espace Schengen.
4. Résultats
Outre la libre circulation des personnes, l’espace de liberté, de sécurité et de justice est à l’origine de plusieurs avancées :
–  le mandat d’arrêt européen ;
–  la procédure d’asile unique (un seul document de demande d’asile pour l’ensemble de l’espace Schengen) ;
–  l’aide à l’intégration des personnes immigrées ;
–  une réglementation commune des responsabilités parentales (en cas de divorce  transfrontalier) ;
–  la lutte contre le terrorisme (définition commune et liste d’organisations).
5. Perspectives
a) L’espace Schengen
La Bulgarie, Chypre, la Croatie et la Roumanie pourraient rejoindre l’espace Schengen à moyen terme. Wolfgang Schäuble, ancien ministre allemand de l’Intérieur, précise ainsi les règles : « Les dates dépendront du respect de conditions, à savoir le fonctionnement correct du système informatique et la protection efficace par les nouveaux États membres de leurs frontières extérieures.»
Cependant, l’arrivée en Europe, à partir de 2015, d’un nombre considérable de réfugiés et de migrants, à la suite des conflits en Syrie et au Proche-Orient, a conduit plusieurs États membres à remettre en cause l’espace Schengen et à réintroduire des contrôles aux frontières.
b) La coopération judicaire
Le traité de Lisbonne accroît également les compétences de l’Union dans le domaine de la coopération judicaire. Il permettra, à terme, la mise en place d’un « euro-droit » et d’une « euro-justice » entre des États membres qui souhaiteraient approfondir leur coopération en matière de sécurité intérieure. Ce rapprochement pourrait s’effectuer dans le cadre de coopérations renforcées.
Eurojust, l’actuel organe de coopération et de coordination judicaires, pourrait voir ses compétences renforcées, avec des pouvoirs contraignants sur les juridictions nationales. De même, l’idée d’un « parquet » européen ayant la capacité d’exercer des poursuites judiciaires est toujours en discussion. Ce parquet serait créé par le Conseil européen statuant à l’unanimité.
c) Le futur parquet européen
En 2017, 20 États membres ont décidé, dans le cadre d’une « coopération  renforcée » 1, de créer un parquet européen, qui aura pour mission de « protéger les intérêts financiers de l’UE ». Il s’agit de garantir ainsi que l’argent du budget de l’Union est utilisé correctement – par exemple, que les fonds européens ne sont pas détournés, que l’argent est dépensé à bon escient ou que la TVA est bien perçue 2. Ce parquet verra le jour fin 2020.
En pratique, un procureur européen pourra déclencher les poursuites au niveau de chaque État et mener l’enquête. Les personnes poursuivies seront déférées devant les juridictions nationales. La directive PIF 3, adoptée en juillet 2017, servira de base légale à ces poursuites
À plus long terme, le parquet européen pourrait voir ses compétences étendues à la criminalité grave ayant une dimension transfrontière et à la lutte contre le terrorisme. Le président français 4 et la Commission européenne sont favorables à cette extension.
2. Le marché unique : la libre circulation des travailleurs, des marchandises, des services et des capitaux
Le traité de Rome (1957) avait instauré un marché commun en abrogeant les droits de douane. Trente ans plus tard, l’Acte unique européen (1986) complète ce dispositif en supprimant les barrières techniques et réglementaires et en créant un « marché unique ».4
  « Nous devons instituer un Parquet européen contre la criminalité organisée et le terrorisme, au-delà des compétences actuelles qui viennent d’être établies. » Discours d’Emmanuel Macron pour une Europe souveraine, unie et démocratique, le 26 septembre 2017à la Sorbonne.






1.  Voir le paragraphe « Coopérations renforcées » à la fin de ce chapitre.
2.  Une partie de la TVA des États membres est reversée au budget de l’UE.
3.  Directive du Parlement européen et du Conseil « relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union au moyen du droit pénal », 5juillet 2017 (dite  directive  « PIF »)

Retenir l’essentiel
L’espace Schengen instaure la suppression des contrôles aux frontières intérieures de l’UE, assortie d’une harmonisation de la politique des visas et d’une coopération policière et judiciaire.
Début 2019, vingt-six pays sont membres de l’espace Schengen : les vingt-huit États membres de l’Union moins la Bulgarie, Chypre, la Croatie, l’Irlande, la Roumanie et le Royaume-Uni, mais auxquels s’ajoutent l’Islande, la Norvège, la Suisse et le Liechtenstein.
Deux organismes assurent notamment la coopération policière et judiciaire :
–  Europol pour la coopération policière ;
–  Eurojust pour la coopération judiciaire.
À partir de 2020, un parquet européen aura pour mission de protéger les intérêts financiers de l’UE.

5-2. Le marché unique : la libre circulation  des travailleurs, des marchandises,  des services et des capitaux.
Le traité de Rome (1957) avait instauré un marché commun en abrogeant  les droits de douane. Trente ans plus tard, l’Acte unique européen (1986) complète ce dispositif en supprimant les barrières techniques et réglementaires et en créant un « marché unique ».
1. Rappel historique
Le traité de Rome (1957) avait pour objet principal la création d’un marché commun par la suppression des droits de douane entre les États. Le but du marché commun était d’accroître la prospérité économique, mais également de contribuer à « l’union sans cesse plus étroite entre les peuples ».
Cette politique est rondement menée et la suppression des droits de douane  est acquise dès le 1er juillet1968.Cependant, à mesure qu’ils organisent la disparition des droits de douane, les États font preuve de beaucoup d’imagination pour mettre en place des règlements nationaux pénalisant les produits importés et favorisant la production nationale. Ces règlements protectionnistes ont eu un « effet équivalent » aux droits de douane car ils contraignaient les produits importés à des adaptations coûteuses.
Conscient de ces difficultés, le Livre blanc de 1985 sur l’achèvement du marché intérieur propose de supprimer toutes les frontières, y compris les barrières techniques constituées par les réglementations nationales. En signant l’Acte unique (1986), les États s’engagent à atteindre les objectifs du Livre blanc avant le 1er janvier 1993. Les dernières frontières physiques, techniques et fiscales sont, pour l’essentiel, supprimées le 1er janvier 1993.
Le nouvel espace sans frontières, semblable au marché intérieur d’un État, est appelé « marché unique ».
2. Objectifs
L’objectif du marché unique est d’instaurer quatre libertés qui font du marché européen l’équivalent du marché intérieur d’un État. Il s’agit de :
–  la libre circulation des marchandises ;
–  la libre circulation des personnes ;
–  la libre circulation des services ;
–  la libre circulation des capitaux





4.  « Nous devons instituer un Parquet européen contre la criminalité organisée et le terrorisme,  au-delà des compétences actuelles qui viennent d’être établies. » Discours d’Emmanuel Macron  pour une Europe souveraine, unie et démocratique, le 26septembre 2017à la Sorbonne.


Attention !
Il faut bien différencier les termes « marché commun » et « marché unique ». Le marché  commun consiste en la suppression des droits de douane entre les États. Le marché   unique va plus loin et présente les caractéristiques d’un marché intérieur national. Toutes  les frontières sont supprimées :
–  frontières physiques (suppression des contrôles des marchandises et des personnes  aux frontières intérieures) ;
–  frontières techniques (disparition des entraves constituées par les réglementations nationales) ;
–  frontières fiscales (rapprochement des taux de TVA
3. Organisation
Les règlements techniques nationaux ont constitué l’obstacle le plus délicat à l’établissement du marché unique. L’harmonisation de spécifications techniques complexes a été longue et fastidieuse à réaliser. Face à l’ampleur de la tâche, l’Union européenne a utilisé trois stratégies de contournement : l’interdiction des « mesures d’effet équivalent », le principe de reconnaissance mutuelle et la « nouvelle approche » en matière d’harmonisation  technique et de normalisation.
a) Interdiction des « mesures d’effet équivalent »
Les règlements techniques nationaux, en contraignant les produits importés à des adaptations coûteuses, ont un effet équivalent aux droits de douane. On appelle ces règlements des « mesures d’effet équivalent ». Dès 1957, le traité instituant la CEE les interdisait.
Toutefois, en l’absence de précisions sur ces « mesures d’effet équivalent » dans le traité, il faut attendre 1974 et l’arrêt Dassonville de la Cour de justice des Communautés (aujourd’hui CJUE) pour que leur interdiction devienne effective. La Cour les définit comme « toute réglementation commerciale susceptible d’entraver directement ou indirectement [...] le commerce intracommunautaire ».
b) Principe de reconnaissance mutuelle
Ce principe impose qu’un produit légalement fabriqué et commercialisé dans un État membre soit accepté dans tous les autres États membres, même s’il ne respecte pas toutes les règles techniques. Autrement dit, c’est la législation du pays d’origine du produit qui s’applique. En 1979, l’arrêt Cassis de Dijon de la Cour de justice fixe le principe de reconnaissance mutuelle. Certaines dérogations, justifiées par des raisons d’intérêt général telles que la protection de la santé, la préservation de l’environnement ou la protection des trésors nationaux sont néanmoins acceptées.
c) La « nouvelle approche » en matière d’harmonisation technique et de normalisation
En 1985, face à la difficulté de procéder à cette harmonisation par la voie de spécifications techniques détaillées, les institutions européennes ont adopté une nouvelle méthode:
– la réglementation fixe, sous forme « d’exigences essentielles » obligatoires, les objectifs à atteindre en matière de sécurité et de santé des personnes ou d’environnement pour les produits mis sur le marché européen ou pour les prestations de services ;
– les organismes européens de normalisation élaborent les normes harmonisées donnant des solutions pour atteindre les objectifs obligatoires définis par la directive ou le règlement correspondant ;
– les produits fabriqués ou les services fournis selon ces normes sont présumés être en conformité avec les exigences essentielles fixées par la réglementation.
4. Résultats
L’instauration du marché unique, en 1993, a produit des effets considérables :
–  les échanges entre les pays membres ont augmenté (d’environ 10 % par an pendant dix ans) ;
–  la productivité s’est accrue ;
–  les coûts de production ont diminué (sous la pression de la concurrence, et grâce à l’harmonisation des règles techniques et à la réduction du nombre de formalités).
Le marché unique européen est devenu le premier marché intérieur du monde par la capacité d’achat de ses consommateurs ; en 2019, il représente 27pays et est fort de 447millions d’habitants. On estime que l’Union européenne a gagné, depuis sa création, entre 1,1 et 1,5 point de croissance  par an et plus de 2,5 millions d’emplois. Toutefois, l’objectif d’achèvement du marché unique n’est pas pleinement atteint, car il doit constamment faire face à de nouveaux défis, en particulier dans les domaines de l’énergie et de l’économie numérique. En mars 2017, la Commission européenne, dans son « Livre blanc sur l’avenir de l’Europe », propose une vision optimiste : à l’horizon 2025, « au sein de l’UE à 27, l’achèvement du marché unique dans les domaines de l’énergie, du numérique et des services suscite un fort intérêt associé à un niveau d’ambition élevé. Grâce à des investissements conjoints en faveur de l’innovation et de la recherche, plusieurs “Silicon Valleys” européennes sont créées pour accueillir des pôles regroupant des sociétés de capital-risque, des jeunes pousses, des grandes entreprises et des centres de recherche. Des marchés des capitaux pleinement intégrés contribuent à mobiliser des fonds en faveur des PME et  des grands projets d’infrastructure partout dans l’UE.»

5-3. La politique agricole commune (PAC) et le développement rural
Née il y a cinquante ans, alors que les membres fondateurs de l’Union européenne sortaient à peine d’une décennie de restrictions alimentaires, la PAC a débuté en subventionnant la production de denrées alimentaires de base, afin d’assurer l’autosuffisance des pays concernés.
Depuis les années 1990, une « nouvelle PAC » soutient les revenus agricoles et met davantage en lumière le rôle des agriculteurs dans la protection de l’environnement et le maintien de la vitalité des économies rurales.
Le domaine agricole, qui comporte la politique agricole commune, le développement rural, l’environnement et la pêche, représente 36 % du budget de l’Union en 2019.
1. Rappel historique
a) La PAC : une politique essentielle
Le souvenir des pénuries alimentaires dues à la Seconde Guerre mondiale est encore présent lorsque les Six signent le traité de Rome, en 1957.
L’accroissement de la productivité, la sécurité des approvisionnements, l’assurance de prix convenables pour le consommateur constituent alors les principaux objectifs de l’agriculture européenne.
En 1962, alors que les six États membres des Communautés sont toujours déficitaires dans la plupart de leurs productions agricoles, une politique agricole commune (PAC) est mise en place. Elle organise la libre circulation des  denrées alimentaires, unifie les prix et instaure une solidarité financière entre les États membres. De ce fait, la production agricole augmente rapidement et la Communauté connaît l’autosuffisance alimentaire dès les années 1970.
b) La PAC victime de son succès
Cependant, la PAC est victime de son succès. Dès le début des années 1980, face aux excédents de production, l’Union doit mettre en place une coûteuse politique de quotas de production et d’achat public de ces excédents.
c) La nouvelle PAC, le développement rural  et  le  « verdissement »
La PAC est alors profondément réformée et, à partir de 1992, une « nouvelle
PAC » est mise en œuvre. Les prix garantis – aides indirectes assurant aux agriculteurs un prix minimum pour leur production– sont baissés, et en compensation des paiements directs sont effectués, proportionnels à la taille des exploitations. En 1999 et 2003, de nouvelles réformes interviennent. Pour éviter la surproduction, les aides à la production sont remplacées par une politique de soutien aux revenus agricoles. Les sommes versées aux agriculteurs sont désormais indépendantes de leur production.
On nomme « découplage » ce mécanisme.
Parallèlement, le développement rural devient une priorité, avec pour objectifs de lier davantage la dépense agricole à l’aménagement du territoire et de réconcilier l’agriculture avec son environnement.
En 2013, une dernière réforme, dont l’objectif est de rendre la PAC plus équitable pour tous les agriculteurs, quels que soient leur production et l’État où ils sont installés, prévoit à la fois des mécanismes de convergence –internes (plus grande égalité dans la distribution des aides directes entre les bénéficiaires d’un même État membre), et externes (entre États
membres)– et le « verdissement » de la PAC. Le verdissement (plus grande égalité entre les montants moyens d’aide) implique que 30 % des paiements directs aux agriculteurs soient conditionnés au respect d’un emploi optimal des ressources naturelles. La réforme prévoit aussi un renforcement des mesures de régulation (concernant notamment certaines productions-clés).
                                                                  Attention !
La présentation budgétaire de l’Union incite à distinguer :
–  la politique agricole commune (soutien aux prix et aides directes aux revenus des  agriculteurs) ;
–  le développement rural (aménagement du territoire).
Cependant, l’expression « politique agricole commune » est très fréquemment employée  pour désigner l’ensemble (soutien aux prix et aides aux revenus des agriculteurs, et  développement rural).
On parle alors de :
–  « premier pilier de la PAC » pour les aides directes aux agriculteurs et les mesures de soutien du marché ;
–  « second pilier de la PAC » pour le développement rural.
Dans cet ouvrage, nous distinguons politique agricole commune (soutien aux prix et aux  revenus) et développement rural.
2. Objectifs
a) La politique agricole commune
Les objectifs de la PAC sont à la fois économiques et sociaux, et concernent tant les producteurs que les consommateurs. Ils sont au nombre de cinq :
–  accroître la productivité de l’agriculture ;
–  assurer un niveau de vie équitable à la population agricole ;
–  stabiliser les marchés ;
–  garantir la sécurité des approvisionnements ;
–  assurer des prix raisonnables pour le consommateur.
b) Le développement rural
Les principaux objectifs du développement rural concernent deux grands domaines.
 L’aménagement du territoire : les actions en la matière sont très variées et concernent le reboisement des terres agricoles, l’essor du tourisme rural, la promotion de la qualité des produits agricoles, l’amélioration des infrastructures rurales, la rénovation et le développement des villages, la protection du patrimoine rural, la recherche et le développement des technologies agricoles et sylvicoles, la formation professionnelle…
La protection de l’environnement : les aides aux revenus agricoles sont conditionnées au respect de normes en matière d’environnement, de sécurité alimentaire, de santé animale et végétale et de bien-être des animaux (exemples : maintien des prairies permanentes, diversification des cultures, préservation de réservoirs écologiques, etc.). Ce mécanisme se nomme  « conditionnalité »  ou  « écoconditionnalité ».
c) La stratégie Europe 2020
À ces objectifs s’ajoute l’engagement politique de poursuivre la stratégie
Europe 2020. Il s’agit, dans le cadre de la politique agricole et du développement rural, de donner une priorité aux dépenses qui soutiennent la croissance et l’emploi et qui préservent l’environnement
3. Organisation
Chaque produit ou groupe de produits fait l’objet d’un règlement de marché destiné à atteindre les cinq objectifs de l’agriculture européenne : productivité, sécurité des approvisionnements, prix raisonnables, maintien du niveau de vie des agriculteurs, stabilisation des marchés. Ces règlements sont appelés « organisations communes de marché » (OCM).
La réforme de la PAC, initiée en 1992 puis approfondie en 2003 et étendue en 2013, a instauré les principes suivants.
  Les paiements directs (1992) : le soutien aux prix agricoles (« régulation des marchés ») est progressivement remplacé par une politique de soutien direct aux revenus des agriculteurs (dite de « paiements directs »).
  Le découplage (2003) : les paiements directs versés aux agriculteurs sont indépendants de leur production ; le but est de réorienter la production vers la demande et le marché.
 La conditionnalité ou écoconditionnalité (2003) : les paiements directs sont conditionnés au respect de normes en matière d’environnement, de sécurité alimentaire et de bien-être des animaux.
  La modulation (2003) : les paiements directs aux plus grandes exploitations sont réduits. Les sommes ainsi économisées sont consacrées au développement rural
Les mécanismes de convergence et le verdissement (2013) : la convergence permet de répartir plus équitablement les paiements directs entre les pays et entre les agriculteurs d’un même pays, le verdissement encourage financièrement les pratiques bénéfiques pour l’environnement et le climat.
4. Financement
Deux fonds européens, le FEAGA et le FEADER, financent la PAC et le développement rural.
a) Politique agricole commune : le FEAGA
Le FEAGA (Fonds européen agricole de garantie) finance la politique agricole commune par :
–  le soutien aux prix des produits agricoles (« régulation » des marchés agricoles) ;
–  le soutien aux revenus des agriculteurs (« paiements directs » aux agriculteurs) ;
–  les subventions pour l’exportation des produits agricoles vers les pays tiers, afin de compenser la différence entre les prix européens et les prix mondiaux  (« restitutions »  à  l’exportation)
–  certaines actions d’information, de contrôle et de surveillance telles que la promotion en faveur des produits agricoles ou des actions vétérinaires ponctuelles.
b) Développement rural : le FEADER
Le FEADER (Fonds européen agricole pour le développement rural) finance les programmes de développement rural. Celui-ci est aussi financé par la réduction des paiements directs aux grandes exploitations puisque les sommes ainsi économisées sont consacrées au développement rural. Ce mécanisme se nomme la « modulation ».
5. Résultats
La PAC a produit des résultats spectaculaires. Elle assure, depuis les années
1970, l’autosuffisance alimentaire de l’Union. L’agriculture de l’UE produit aujourd’hui d’importants excédents et celle-ci est ainsi devenue le premier exportateur mondial de produits agroalimentaires.
La PAC contribue également à l’aménagement des territoires en encourageant la diversification et la vitalisation de l’économie rurale.
Retenir l’essentiel
La politique agricole commune a cinq objectifs :
–  accroître la productivité de l’agriculture ;
–  assurer un niveau de vie équitable à la population agricole ;
–  stabiliser les marchés ;
–  garantir la sécurité des approvisionnements ;
–  assurer des prix raisonnables pour le consommateur.
Une « nouvelle PAC » est mise en place à partir de 1992 :
–  le soutien aux prix est remplacé par une politique de soutien aux revenus agricoles ; les sommes versées aux agriculteurs sont indépendantes de la production (« découplage ») ;
–  l’environnement est une préoccupation majeure ; les aides directes aux revenus agricoles sont conditionnées au respect de normes environnementales (« conditionnalité ») ;
–  le développement rural est encouragé (« modulation »).
Deux fonds financent la politique agricole commune et le développement rural :
–  le FEAGA finance la politique agricole commune (soutien aux prix et aux revenus des agriculteurs, aide aux exportations) ;
–  le FEADER finance le développement rural.
En 2013, la dernière réforme de la PAC introduit des changements importants, en faisant notamment des enjeux de convergence (interne et externe) et du verdissement de la PAC des questions majeures

5-4. La politique de cohésion, dite « régionale »
La politique de cohésion économique, sociale et territoriale, appelée aussi « politique régionale », est avant tout une politique de solidarité. Les pays les plus riches aident les régions les plus en difficulté à surmonter leurs handicaps.
En réduisant les disparités régionales qui affaiblissent le dynamisme de l’Union, cette politique vise aussi à améliorer la compétitivité globale de l’Europe.
Après avoir permis une intégration sans heurt de l’Irlande, de l’Espagne, du Portugal et de la Grèce, la politique régionale est confrontée depuis 2004 au défi de l’élargissement aux pays de l’Est. En 2019, cette politique représente 34 % du budget de l’Union européenne.
1. Rappel historique
Dès le traité de Rome, en 1957, les États mentionnent la nécessité « de renforcer l’unité de leurs économies et d’en assurer le développement harmonieux en réduisant l’écart entre les différentes régions et le retard des moins  favorisées ». Le Fonds social européen (FSE) et le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole sont créés en 1958 à cet effet.
En 1975, le Fonds européen de développement régional (FEDER) est créé à son tour pour redistribuer une partie des contributions des États aux régions déshéritées.
En 1986, l’Acte unique européen marque le début d’une véritable politique de cohésion visant à apporter une contrepartie aux contraintes du marché unique pour les pays du sud de l’Union et d’autres régions défavorisées.
En 1992, le traité de Maastricht consacre la cohésion comme un des objectifs essentiels de l’UE, parallèlement à l’union économique et monétaire et au marché unique. Il instaure le Fonds de cohésion (mis en place en 1994), qui finance des projets environnementaux et les infrastructures de transport dans les États membres les moins prospères.
En 2013, la politique de cohésion est profondément réformée. Son financement s’organise désormais en fonction de trois catégories de région permettant de différencier l’aide à apporter :
–  les régions les moins développées, dont le PIB/habitant est inférieur à 75 % du PIB moyen de l’Union ;
–  les régions « en transition », dont le PIB/habitant est compris entre 75 et 90 % du PIB moyen de l’UE ;
–  les régions les plus développées
2. Objectifs
La politique régionale vise à réduire l’écart entre les niveaux de développement des diverses régions en aidant les zones les moins favorisées à rattraper leur retard. Ce rééquilibrage doit permettre le renforcement de la cohésion économique, sociale et territoriale de l’Union
Les régions les moins favorisées sont souvent :
–  les zones rurales ;
–  des zones où s’opère une difficile transition industrielle ;
–  des régions souffrant de handicaps structurels comme les régions à très faible densité de population, les régions montagneuses, insulaires ou transfrontalières.
À cet objectif s’ajoute l’engagement politique de poursuivre la stratégie
Europe 2020. Il s’agit, dans le cadre de la politique régionale, de donner une priorité aux dépenses qui soutiennent les objectifs de la stratégie Europe 2020 : « créer de la croissance et des emplois, s’attaquer au changement climatique et à la dépendance énergétique et réduire la pauvreté et l’exclusion sociale ».
3. Organisation
La politique de cohésion dispose de trois instruments pour atteindre son objectif :
  la coordination des politiques économiques des États membres ;
  la mise en œuvre des politiques et actions de l’Union, notamment celle du marché intérieur ;
  le financement spécifique de la politique régionale au travers de l’utilisation des fonds structurels et du Fonds de cohésion.
4. Financement
La politique de cohésion est financée par :
–  deux fonds structurels : le Fonds européen de développement régional (FEDER) et le Fonds social européen (FSE) ;
–  un Fonds de cohésion, qui finance des projets en matière d’environnement et d’infrastructures de transport (dans les pays dont le PIB/habitant est inférieur à 90 % de celui de la moyenne de l’Union).
À ces financements s’ajoutent le Fonds de solidarité de l’Union européenne, destiné à faire face aux grandes catastrophes naturelles touchant des régions de l’UE, et l’Instrument d’aide de préadhésion, destiné aux pays candidats.
5. Les résultats
Cette politique a produit des résultats probants. Elle a permis la réduction des inégalités entre régions. Ainsi, certains des États les moins prospères de l’Union au moment de leur adhésion (dans les années 1980, Grèce, Portugal, Irlande et Espagne) ont vu leur PIB moyen par habitant fortement augmenter. Elle a contribué à la réalisation d’autres politiques de l’Union telles que la mise en place du marché unique, l’environnement, les transports, la recherche. En exigeant une programmation régionale pluriannuelle et une évaluation des projets, en encourageant les coopérations et les échanges d’expériences au niveau européen, la politique régionale a contribué à une meilleure gouvernance territoriale en Europe.

5-5. La politique commerciale commune
L’Union européenne est la première puissance commerciale mondiale. Même sans compter les échanges internes à l’UE, elle occupe la première place dans les échanges mondiaux (elle assure 15 % de ces échanges) devant les États-Unis, la Chine et le Japon. À ce titre, elle a intérêt à promouvoir une ouverture régulée du commerce international.
1. Objectifs
D’après le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (article206), avec la politique commerciale commune, l’UE contribue « au  développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux […] ainsi qu’à la réduction des barrières douanières et autres ».
Concrètement, l’Union poursuit trois objectifs :
–  un meilleur accès aux marchés mondiaux pour les entreprises européennes ;
–  la défense du marché intérieur et la préservation de certains secteurs de l’économie européenne, notamment l’agriculture ;
–  l’aide au développement des pays émergents.
2. Organisation
a) Une compétence exclusive de l’Union
Conséquence de l’instauration du marché unique et de la suppression des barrières douanières intérieures, les Vingt-Sept doivent négocier d’une seule voix sur la scène internationale.
La politique commerciale est donc une compétence exclusive de l’Union :
  Le Conseil et le Parlement définissent la stratégie et les orientations de l’Union selon la procédure législative ordinaire.
  La Commission joue un rôle central : elle est, en particulier, le négociateur unique, au nom de l’UE, avec les pays tiers, ainsi que dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Elle tient le Conseil et le Parlement informés.
À l’issue des négociations, le Conseil signe les accords négociés par la Commission. Pour certains d’entre eux, le Parlement doit donner son approbation.
b) L’Union et l’Organisation mondiale du commerce (OMC)
L’OMC (héritière du GATT) offre un cadre de négociation et un mécanisme de gestion des conflits commerciaux. L’Union européenne en est membre de plein exercice, comme chacun des vingt-sept États membres. Cependant, au sein de l’OMC, c’est la Commission européenne –porte-parole unique–qui négocie au nom de tous les États membres.
Parmi les sujets de discussion, l’agriculture tient une place particulière.
Les subventions de la politique agricole commune pour l’exportation des produits agricoles vers les pays tiers sont considérées comme une entrave au commerce mondial par certains membres de l’OMC. L’Union considère cependant que l’agriculture est un secteur à part, qui ne doit pas être soumis aux mêmes règles que les biens manufacturés.
c) Le tarif extérieur commun
La politique commerciale commune repose avant tout sur le tarif douanier commun aux pays de l’Union, nommé « tarif extérieur commun ». Celui-ci s’applique à toutes les marchandises importées dans l’Union européenne. Il est la conséquence de l’union douanière, qui a supprimé les droits de douanes pour les échanges intra-européens.
d) La défense commerciale
La défense commerciale consiste à protéger les entreprises de l’UE contre les pratiques déloyales de pays tiers. L’Union rétablit alors des droits de douane sur les importations incriminées, ou instaure des quotas. La défense commerciale est utilisée dans trois cas :
 les mesures de sauvegarde si l’accroissement imprévu et important des importations dans un secteur crée un déséquilibre trop marqué ;
  les mesures anti-dumping si le prix de vente des produits importés est inférieur à leur prix « normal », c’est-à-dire au prix de vente sur le marché domestique ou au coût de revient
  les mesures anti-subvention si un produit importé est subventionné par son État d’origine.
 ■ Exemple
Panneaux solaires chinois et action antidumping
La Commission a constaté que certaines sociétés chinoises vendaient en Europe des panneaux solaires à des prix nettement inférieurs à leur valeur marchande normale, au détriment des fabricants de panneaux solaires de l’Union européenne. En 2013, en réponse à cette pratique de dumping, la Commission a décidé d’instituer une taxation supplémentaire pour les entreprises chinoises qui refusent d’appliquer un prix de vente minimum aux panneaux solaires importés.
e) Les accords commerciaux régionaux
L’Union européenne distingue trois grands types d’accord pouvant la lier en matière commerciale avec des pays tiers : les accords de partenariat et de commerce, les accords de libre-échange (ALE) et les unions douanières.
Trois pays dominent aujourd’hui le programme de négociations de l’UE :
– le Canada, premier pays du G7 avec lequel l’UE a négocié un accord de libre-échange entré en vigueur en 2017 ; cet accord, nommé « Accord économique et commercial global (AEGC) » ou CETA en anglais, est le plus large et le plus ambitieux négocié à ce jour par l’UE ;
– les États-Unis, avec lesquels l’UE a engagé en 2013 une difficile négociation sur un accord –le TTIP ou TAFTA en anglais (Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement)– qui pourrait contribuer à définir les nouvelles règles du jeu du commerce international ;
– la Chine, avec laquelle l’UE poursuit une approche progressive reposant, d’une part, sur la négociation d’accords bilatéraux ciblés, et, d’autre part, sur l’intégration de la Chine dans des négociations plurilatérales en cours concernant les technologies de l’information, les biens environnementaux, les crédits export, etc.
f) L’aide au développement
L’Union utilise le commerce comme un outil de soutien au développement. Pour aider certains pays pauvres à se développer par leurs propres moyens, elle leur accorde un accès privilégié à son marché intérieur. Ces accords commerciaux plus avantageux sont parfois dénoncés par des États tiers qui ne bénéficient pas du même traitement.
 ■ Exemple
L’accord de Cotonou
En 2000, la Commission négocie l’accord de Cotonou qui fixe, jusqu’en 2020, les modalités d’un important partenariat en matière d’aides et de commerce entre l’Union européenne et des pays en développement d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (zone ACP).
3. Perspectives
Les priorités de l’Union dans ce domaine crucial sont nombreuses. Il s’agit notamment de :
–  développer les relations commerciales avec la Chine afin de réduire le déficit commercial de l’Union avec cette puissance ;
–  relancer des négociations dans le cadre de l’OMC pour ouvrir de nouveaux marchés aux entreprises européennes et assurer une plus grande réciprocité dans les échanges commerciaux ;
–  garantir la sécurité de l’approvisionnement en matières premières et en  énergie ;
–  protéger ses droits de propriété industrielle pour défendre l’économie de l’Union, fondée sur la connaissance et la recherche ;
–  favoriser le développement des pays émergents par leur intégration dans le commerce mondial ;
–  intégrer dans les règles commerciales les droits de l’homme, les droits des salariés et la lutte contre la pauvreté

5-6. La politique sociale
Si l’Union européenne est convaincue qu’une intense concurrence entre les entreprises est indispensable pour améliorer la compétitivité de son économie, elle exprime aussi la conviction qu’une forte solidarité entre les citoyens est indispensable à l’amélioration de la cohésion sociale.
1. Objectifs
Le traité sur l’Union européenne (TUE) a fait du progrès social un objectif de l’Union. Celle-ci « combat l’exclusion sociales et les discriminations, et promeut la justice et la protection sociales, l’égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l’enfant » (article3 du TUE). Les traités confirment aussi le rôle des partenaires sociaux dans la construction d’une Europe du progrès économique et social et ils soulignent la place particulière qu’occupent les services d’intérêt économique général (les « services publics »).
Le TUE prévoit aussi une clause sociale « horizontale » qui oblige l’Union à prendre en compte certaines exigences (niveaux élevés d’emploi, d’éducation et de formation professionnelle ; garantie de protection sociale ; lutte contre l’exclusion sociale ; protection de la santé) dans l’élaboration de ses politiques.
En 2000, le Conseil européen de Nice adopte un agenda social qui s’articule autour de six orientations principales : emploi, équilibre entre flexibilité et sécurité, lutte contre l’exclusion, protection sociale, égalité entre hommes et femmes, volet social de l’élargissement.
La Charte européenne des droits fondamentaux (intégrée au traité de
Lisbonne) doit guider les actions de l’Union européenne dans le domaine social.
En novembre 2017, lors d’un sommet social de l’UE, les chefs d’État et de gouvernement signent le « socle européen des droits sociaux ». Ce socle définit vingt principes clés donnant aux citoyens des droits nouveaux tels que le droit à l’éducation, la formation et l’apprentissage tout au long de la vie, l’égalité entre les femmes et les hommes, le droit à un salaire juste permettant un niveau de vie décent, le droit à un équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée, la protection sociale, le droit à un logement, etc. Le texte n’est pas juridiquement contraignant. Un tableau de bord social permet de suivre sa mise en œuvre et les résultats dans l’ensemble des pays de l’UE.
Tous ces éléments donnent une légitimité à l’Union pour intervenir en matière de politiques sociales, notamment dans le domaine de l’emploi.
2. Organisation
La politique sociale est une compétence partagée entre les États membres et l’Union. Cependant, cette politique est principalement conduite par les États. L’Union intervient seulement pour donner des orientations, coordonner les politiques nationales, harmoniser certains aspects de la législation et développer des normes minimales en matière de droit du travail.
a) La stratégie « Europe 2020 »
Sous l’expression « stratégie Europe 2020 » sont regroupées les grandes orientations économiques, sociales et environnementales de l’Union. Cette stratégie vise notamment à stimuler la croissance et à mettre celle-ci au service de la création d’emplois et de la lutte contre l’exclusion sociale.
b) La stratégie européenne pour l’emploi
L’Union européenne s’efforce de coordonner et d’accompagner les politiques des États membres au moyen d’une « méthode ouverte de coordination ». Cette méthode définit des objectifs globaux pour l’Union, organise des échanges de bonnes pratiques entre États membres et établit des indicateurs communs qui permettent le suivi et l’évaluation des progrès accomplis.
 ■ Exemple
Le portail européen sur la mobilité de l’emploi EURES (European Employment Services) offre des informations, des conseils et des services de recrutement aux travailleurs et aux employeurs désireux de tirer profit du principe de la libre circulation des travailleurs. Il s’agit d’un portail internet (http://ec.europa.eu/eures) associé à un réseau de coopération des États membres dans le domaine de l’emploi.
c) La lutte contre l’exclusion sociale
Comme pour l’emploi, l’Union européenne s’efforce d’encourager les politiques des États membres dans le domaine de la lutte contre l’exclusion sociale au moyen de la « méthode ouverte de coordination ».
d) La libre circulation des travailleurs  et des personnes retraitées
Le marché unique a instauré la libre circulation des personnes. Ce droit à vivre et à travailler dans n’importe quel pays de l’Union s’accompagne du droit de bénéficier de prestations sociales, notamment en matière de santé, dans le pays de résidence.
De plus, a été instituée une carte européenne d’assurance maladie qui permet aux Européens de se faire soigner lorsqu’ils se rendent dans un autre pays que le leur.
e) Le droit du travail
Si chaque pays établit sa propre législation en matière de conditions de travail, de santé et de sécurité au travail, le droit européen fixe des normes minimales que chaque État membre doit respecter.
f) La non-discrimination
La non-discrimination est un principe fondamental de la politique de l’Union (articles8 et 10 du TFUE). Il interdit les discriminations du fait du sexe, de la race ou de l’origine ethnique, de la religion ou des convictions, d’un handicap, de l’âge ou de l’orientation sexuelle.
g) La reconnaissance des services d’intérêt économique général
Les traités soulignent la place particulière qu’occupent les services d’intérêt économique général (les « services publics ») ainsi que le rôle qu’ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l’Union.
h) La protection de la vie privée
En mai 2018 est entré en vigueur le « règlement général sur la protection des données (RGPD) », qui constitue désormais le texte de référence en matière de protection des données à caractère personnel.
3. Financement
Trois fonds financiers de l’Union viennent en appui à sa politique sociale :
– le Fonds social européen (FSE), créé dès 1957 et doté de 80 milliards d’euros pour la période 2014-2020, vise le plein emploi, l’augmentation de la qualité et de la productivité du travail, la promotion de l’inclusion sociale et la réduction des disparités économiques au sein de l’Union ;
– le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEM), institué en 2007, doté d’un budget annuel de 150millions d’euros pour la période 2014-2020, apporte un soutien aux salariés en cas de chocs structurels liés à la mondialisation et aide, en cofinancement, les travailleurs à se réinsérer sur le marché du travail ;
– le Fonds européen pour les plus démunis (FEAD), doté de 3,8 milliards d’euros pour la période 2014-2020, a pour objectif d’assurer la distribution de denrées alimentaires, de fournir une assistance matérielle de base et de mettre en place des mesures d’inclusion sociale en faveur des citoyens les plus démunis de l’UE.

5-7. Les coopérations renforcées  et la différenciation
L’Europe paraît prise entre deux forces antagonistes : celle de l’élargissement à d’autres pays et celle de l’intégration politique entre États membres.
Le débat sur l’élargissement aborde aujourd’hui la question des limites de l’Union, tandis que celui sur l’intégration a pris une acuité particulière avec la difficile ratification du traité de Lisbonne. A-t-on atteint une limite géographique ou politique ?
Les coopérations renforcées et, à plus long terme, la différenciation, pourraient être des réponses au dilemme entre élargissement et approfondissement
1. La coopération renforcée
La coopération renforcée est une exception au principe selon lequel tous les États membres avancent ensemble en souscrivant aux mêmes engagements. En instaurant une coopération renforcée, un groupe d’États –on parle de « groupe de pionniers »– peut coopérer plus étroitement, dans certains domaines spécifiques.
Ces pays, plus impatients ou mieux préparés, forment ainsi, sur un sujet particulier, une avant-garde provisoire mais n’ont d’autre ambition que d’entraîner, à terme, l’ensemble de l’Union.
La coopération renforcée obéit à des règles précises :
–  elle ne peut intervenir qu’en dernier ressort (c’est-à-dire si les objectifs recherchés par cette coopération ne peuvent être atteints dans un délai raisonnable par l’ensemble de l’Union) ;
–  elle doit impliquer neuf États au minimum ;
–  elle doit être ouverte à tous les États membres ;
–  l’autorisation de procéder à une coopération renforcée est accordée par le Conseil de l’UE, sur proposition de la Commission et après approbation du Parlement européen.
Les coopérations renforcées sont possibles dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Elles sont alors appelées « coopérations structurées permanentes » et font l’objet de modalités particulières.
La coopération renforcée est ouverte à tous. L’idée et l’esprit sont qu’à terme tous les États finissent par adhérer à la politique mise en place par le  « groupe  pionnier ».
 ■ Exemples
Coopération renforcée : les divorces de couples binationaux
Chaque année, plus de 100 000divorces concernent des couples issus de deux pays de l’UE. En juillet 2010, 14États membres, dont la France, ont mis en œuvre une coopération renforcée pour adopter des règles communes concernant les divorces de couples binationaux.
Coopération structurée permanente: la défense européenne
En décembre 2017, 25États membres établissent une coopération structurée permanente en matière de défense. Ce cadre de coopération permet aux États européens d’investir dans des projets communs et de renforcer la préparation opérationnelle de leurs forces armées. Les pays participants sont les 28États membres en 2017 moins le Royaume-Uni, le Danemark et Malte.
2. La différenciation
La coopération renforcée est la traduction institutionnelle d’un débat plus large sur la « différenciation ». Certains États de l’UE pourraient aller plus loin dans l’intégration européenne alors que les autres s’en abstiendraient
En mars 2017, la Commission européenne, dans son « Livre blanc sur l’avenir de l’Europe »
, évoque des hypothèses de différenciation. À l’horizon 2025 :
  « Un groupe d’États membres décide de coopérer beaucoup plus étroitement en matière de défense. »
  « Plusieurs pays vont de l’avant en matière de sécurité et de justice. Ils décident de renforcer la coopération entre les forces de police et les services de renseignement […]. Grâce à un parquet conjoint, ils enquêtent collectivement sur la fraude, le blanchiment d’argent et le trafic de drogue et d’armes. »
« Un groupe de pays incluant les membres de la zone euro et, éventuellement, quelques autres choisit de renforcer nettement leur collaboration dans le domaine fiscal et social notamment. […] Des normes sociales convenues offrent une sécurité aux entreprises et contribuent à l’amélioration des conditions de travail. »
  « La coopération industrielle est renforcée. »
Lors d’un mini-sommet pour l’avenir de l’Union à Versailles, en mars 2017, les chefs d’État ou de gouvernement français, allemand, italien et espagnol plaident aussi pour une Europe à plusieurs vitesses. « Quelques  pays » pourraient aller « plus loin dans des domaines comme la défense, comme la zone euro, à travers l’approfondissement de l’Union économique et monétaire, comme l’harmonisation fiscale et sociale, comme la culture ou la jeunesse ».
Si elle constitue un moyen efficace de poursuivre l’intégration européenne, la différenciation doit néanmoins éviter deux écueils :
–  ajouter à la complexité institutionnelle de l’UE, ce qui pourrait accroître la difficulté qu’éprouvent les citoyens à comprendre son fonctionnement ;
–  créer des tensions entre les États participants et ceux qui restent en dehors.
 ■ Exemple
Dans le cadre de l’Union européenne, dix-neuf pays ont adopté l’euro et vingt-deux participent à l’espace Schengen. Ces deux politiques s’apparentent, à bien des égards, à des formes de différenciation. Hors traité sur l’Union européenne, l’Agence spatiale européenne1
, dans le domaine de l’aéronautique et de l’espace, ou le traité de Prüm2, en matière de coopération policière, s’apparentent aussi à des formes de différenciation.

1.  L’Agence spatiale européenne comprend 22 pays membres (dont la Norvège et la Suisse qui ne font pas partie de l’Union européenne).
2.  Le traité de Prüm a été signé en 2005 par sept États membres de l’Union européenne (Belgique, Allemagne, Espagne, France, Luxembourg, Pays-Bas et Autriche). Il vise à approfondir la coopération transfrontalière en matière de police, notamment dans les domaines de la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée et l’immigration illégale.
Retenir l’essentiel
Dans le cadre de la coopération renforcée, un groupe d’États coopère plus étroitement dans un domaine spécifique. La coopération renforcée doit impliquer au minimum neuf États et être ouverte à tous les États membres.
La différenciation pourrait permettre de concilier élargissement (plus d’États membres) et approfondissement (plus de politiques communes)


5-8. La politique étrangère et de sécurité commune (PESC)
Avec près de 450millions d’habitants en 2019, l’Union européenne est plus peuplée que les États-Unis ou que la Russie10. Elle est aussi la première puissance commerciale mondiale et le premier donateur en faveur des pays pauvres. Aujourd’hui, l’UE veut faire entendre sa voix sur la scène internationale, exprimer sa position sur les conflits armés, sur les droits de l’homme et sur tous les sujets liés à ses valeurs et à ses principes fondamentaux.
1. Rappel historique
Avec le traité de Rome, en 1957, les Six, échaudés par l’échec de la Communauté européenne de défense, se concentrent sur les aspects économiques. Cependant, à partir de 1970, les États membres de l’Union s’efforcent de se concerter sur les grands problèmes de politique internationale. On parle alors de « coopération politique européenne ».
En 1986, l’Acte unique officialise cette coopération intergouvernementale sans en changer la nature ni les modalités d’exercice.
La transformation a lieu à Maastricht en 1992. Pour la première fois, les
États membres inscrivent dans le traité l’objectif d’une politique étrangère et de sécurité commune (PESC).
En 2009, le traité de Lisbonne instaure une fonction de Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Ce Haut Représentant est assisté d’une administration : le Service européen pour l’action extérieure (SEAE).
2. Objectifs
a) En théorie, des objectifs très larges
L’Union doit sauvegarder ses intérêts, sa sécurité, son indépendance et son intégrité
Mais elle s’efforce aussi de développer des partenariats avec les pays tiers afin de promouvoir ses principes et ses valeurs. Il s’agit de :
–  soutenir la démocratie et les droits de l’homme ;
–  préserver la paix et prévenir les conflits ;
–  soutenir les pays en développement afin d’éradiquer la pauvreté ;
–  encourager l’intégration de tous les pays dans l’économie mondiale ;
–  préserver et améliorer la qualité de l’environnement ;
–  aider les populations confrontées à des catastrophes naturelles ou d’origine  humaine ;
–  promouvoir un système international fondé sur la coopération.
b) En pratique, les « missions de Petersberg »
Les opérations militaires de « maintien de la paix et de renforcement de la sécurité internationale » que l’Union effectue sont appelées « missions de  Petersberg ».
Ce sont des missions :
–  humanitaires ou d’évacuation de ressortissants ;
–  de maintien de la paix ;
–  de combat, notamment pour des opérations de rétablissement de la paix.
Ce type de mission constitue la réponse de l’Union à une crise internationale
3. Organisation
a) Le Haut Représentant et le Service européen pour l’action extérieure
Un Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité contribue à l’élaboration de la politique extérieure de l’Union.
Le Haut Représentant est à la fois : 
    –  vice-président de la Commission ;
   –  président du Conseil de l’Union européenne dans sa formation « affaires étrangères »

10.  447 millions sans le Royaume-Uni, 513 millions avec. Les États-Unis comptent 325millions d’habitants et la Russie 145millions.


Cette double appartenance garantit la cohérence de la politique étrangère de l’Union. Le rôle du Haut Représentant s’apparente ainsi à celui d’un ministre des Affaires étrangères de l’Union. L’Italienne Federica Mogherini occupe ce poste pour la période 2014-2019
Le Haut Représentant de l’Union est assisté depuis 2011 d’une administration spécifique distincte de la Commission et du Conseil : le Service européen pour l’action extérieure (SEAE). Celui-ci est doté d’environ
3 500 agents et regroupe :
–  un quartier général à Bruxelles, où travaillent fonctionnaires européens et personnel détaché par les services diplomatiques des États membres ;
–  les délégations de l’Union européenne à travers le monde.
Le SEAE coopère aussi avec toutes les ambassades des États membres dans le monde.
b) La solidarité entre les États membres
Le traité de Lisbonne prévoit deux mécanismes de solidarité des Européens face aux menaces qui pèsent sur leur sécurité : la clause dite « de défense mutuelle » et la clause de solidarité.
  La clause dite « de défense mutuelle » prévoit une solidarité militaire entre les États membres de l’Union. Ces derniers ont l’obligation de porter assistance, par tous les moyens, à un État membre qui serait l’objet d’une agression armée sur son territoire. Cette obligation tient compte de la tradition de neutralité de certains États (Autriche, Finlande, Irlande et
Suède) et elle n’affecte pas l’appartenance des États membres à l’OTAN.
 ■ Exemple
La clause de défense mutuelle a été invoquée pour la première fois par la France le 17 novembre 2015, suite aux attentats du 13novembre à Paris et Saint-Denis. Elle a reçu une réponse rapide de nombreux pays de l’UE, aux premiers rangs desquels le Royaume-Uni et l’Allemagne, sous forme d’un soutien logistique.
  La clause de solidarité prévoit une assistance mutuelle face à la réalisation d’autres menaces. L’Union et les États membres ont l’obligation de porter assistance, par tous les moyens, à un État membre victime d’une attaque terroriste, d’une catastrophe naturelle ou d’un désastre d’origine humaine (accident industriel, par exemple).
 ■ Exemple
Cette clause de solidarité a été mise en œuvre à la suite des attentats de Madrid, en mars 2004
c) Les programmes et les forces communes
Les États membres qui le souhaitent peuvent renforcer ensemble leurs capacités d’action dans le cadre de « coopérations structurées ». Celles-ci ont un caractère permanent.
Ainsi, les pays qui le souhaitent peuvent mener ensemble des programmes d’équipement militaire ou mettre à la disposition de l’Union des unités communes de combat. Ces États seront ainsi capables de mener des opérations militaires pour le compte de l’Union.
La mise en place d’une coopération structurée permanente est soumise à une décision du Conseil de l’Union européenne. Si un nouvel État souhaite rejoindre la coopération, son admission est soumise à un vote des États participant déjà à la coopération.
Ces coopérations structurées permanentes pourraient, à terme, déboucher sur un système de défense commun.
d) Le Corps volontaire européen d’aide humanitaire
Il permet à de jeunes Européens de contribuer aux actions humanitaires de l’Union en venant en aide aux populations frappées par des catastrophes à travers le monde.
e) Trois organes pour la politique étrangère et de sécurité commune
Trois organes effectuent des tâches spécifiques relatives à la politique étrangère et de sécurité commune. Ils sont placés sous l’autorité du Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
  L’Agence européenne de défense (AED) a six missions : contribuer à identifier les objectifs de capacités militaires des États membres ; promouvoir l’harmonisation des besoins opérationnels et l’adoption de méthodes de marchés publics performantes et compatibles ; proposer des projets multilatéraux pour remplir les objectifs en termes de capacités militaires ; soutenir la recherche technologique de défense, coordonner et planifier les activités de recherche conjointes ; identifier et mettre en œuvre toute mesure utile visant à renforcer la base industrielle et technologique du secteur de défense ; soutenir la coopération structurée permanente
Le Comité politique et de sécurité (COPS) suit la situation internationale, contribue à la définition des politiques et surveille leur mise en œuvre. Ce Comité exerce aussi le contrôle politique et la direction stratégique des opérations de gestion de crise.
  L’Institut d’études de sécurité de l’Union Européenne promeut une culture de sécurité européenne commune et favorise le débat stratégique européen.
4. Processus décisionnel : les États décident
Dans le domaine particulier de la politique étrangère et de sécurité commune, les États ont gardé un important contrôle sur les décisions :
–  l’initiative des propositions appartient aux États ou au Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ;
–  les décisions sont prises par le Conseil européen ou le Conseil de l’Union européenne, le plus souvent à l’unanimité ;
– l’exécution des décisions relève des États membres ou du Haut Représentant.
Le rôle du Parlement européen et celui de la Cour de justice de l’UE sont très limités dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune. Cependant, en matière de coopération économique et technique avec les pays tiers, c’est la procédure législative ordinaire qui s’applique.
Le Parlement est alors pleinement associé aux décisions et la Cour de justice peut être saisie.


5-9. La stratégie Europe 2020
Sous l’expression « stratégie Europe 2020 » sont regroupées les grandes orientations économiques, sociales et environnementales de l’Union européenne.
1. Rappel historique
Au printemps 2000, le Conseil européen de Lisbonne définit une stratégie dont l’objectif est de saisir les opportunités offertes par la nouvelle économie. L’objectif déclaré est de  « faire de l’Union l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, d’ici 2010 ».
Concrètement, il s’agit de rattraper le retard pris par rapport aux États-
Unis dans le secteur des nouvelles technologies, l’objectif final étant de stimuler la croissance et de créer des emplois. Ces axes stratégiques de développement définis par le Conseil européen sont désignés sous le terme de « stratégie de Lisbonne ».
En juin 2001, le Conseil européen de Göteborg élargit cette stratégie à la protection de l’environnement et à la réalisation d’un modèle de développement durable.
En mars 2010, face aux résultats mitigés de la décennie 2000-2010, le Conseil européen propose de relancer la stratégie européenne pour l’emploi et la croissance pour la décennie 2010-2020. La nouvelle stratégie est nommée « Europe 2020 ». Le Conseil européen fixe six objectifs chiffrés à atteindre avant 2020.
Chaque printemps, un Conseil européen est consacré au suivi de la stratégie Europe 2020.
  Attention !
Par « développement durable », l’Union entend la réalisation simultanée de trois objectifs :
–  la compétitivité de l’économie ;
–  la création d’emplois et l’insertion sociale ;
–  la protection de l’environnement et la prévention des risques.
Le développement durable cherche donc à concilier des objectifs économiques, sociaux et environnementaux.
2. Objectifs
De façon générale, la stratégie Europe 2020 doit permettre de :
–  faire de la connaissance et de l’innovation les moteurs d’une croissance économique  durable ;
–  mettre cette croissance au service de la création d’emplois et de l’insertion sociale (lutte contre la pauvreté) ;
–  prendre en compte la dimension environnementale dans la mise en œuvre de toutes les politiques.
Concrètement, la stratégie Europe 2020 doit permettre d’atteindre six objectifs chiffrés dans les trois secteurs cités ci-dessous.
a) Connaissance et innovation
–  3 % du PIB doit être investi dans la recherche (publique ou privée) ;
–  le taux d’abandon scolaire doit être inférieur à 10 % ;
–  40 % des jeunes générations doivent obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur.
b) Emploi et insertion sociale
Plus de 75 % de la population âgée de 20 à 64ans doit avoir un emploi.
20 millions de personnes doivent sortir du risque de pauvreté.
c) Environnement
D’ici 2020, l’objectif dit des « 3fois 20 » en matière d’énergie et de climat doit être réalisé. Il s’agit de réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre (par rapport au niveau de 1990), de diminuer de 20 % la consommation d’énergie primaire (par rapport aux projections 2020) et d’atteindre le niveau de 20 % d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie
3. Organisation
Chaque printemps, un Conseil européen est entièrement consacré à la stratégie Europe 2020.
Une nouvelle méthode, dite « de coordination ouverte », permet de diffuser les meilleures pratiques d’un pays à l’autre.
Toutes les politiques de l’Union, notamment la politique agricole commune et la politique de cohésion, doivent contribuer à l’accomplissement des objectifs de la stratégie Europe 2020.

Source.
Année de Publication: 2019

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