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QUEL RÔLE
INTERNATIONAL POUR LA CHINE?
Pendant longtemps, la
Chine post-maoïste s’est voulue discrète et rassurante sur la scène
internationale, même si son poids économique se faisait de plus en plus sentir.
Aujourd’hui, elle s’affirme sans hésiter comme une grande puissance émergente,
revendiquant, au même titre que les autres, mais à la mesure de sa taille et de
son histoire, une influence et une action internationale tous azimuts pour
promouvoir ses intérêts et sa vision d’un monde «post-amé-ricain», pour
reprendre l’expression de l’analyste Fareed Zakaria.
Deng Xiaoping, le leader
chinois qui orchestra les réformes économiques à partir de 1979, était partisan
d’une stratégie de «profil bas» dans les affaires internationales, afin de
permettre le développement de la Chine sans effrayer ses voisins et
partenaires. Même si, cette même année 1979, la Chine s’engageait dans une
courte guerre «punitive» contre le Vietnam. Par la suite, le président Hu
Jintao (2002-2012) développa le concept d’«émergence pacifique» de la Chine, là
encore avec une volonté de rassurer. Cette période correspondait avec la montée
en puissance rapide et spectaculaire de l’économie chinoise, et d’événements
comme les JO de Pékin en 2008, et l’Exposition universelle de Shanghai en 2010,
qui marquaient le «retour» de la Chine.
UNE GRANDE PUISSANCE
Depuis, le discours et le positionnement ont
évolué: la Chine de Xi Jinping n’a plus d’hésitation à jouer les grandes puissances
et a désormais une présence politique accrue dans le monde. Il y a d’abord eu
la course aux matières premières, amenant la Chine sur des rivages peu explorés
jusque-là, en Arabie saoudite ou en Angola pour le pétrole, au Pérou pour le
cuivre, au Brésil pour le soja, etc.; puis il a fallu protéger les routes
maritimes, en Asie du Sud-Est ou au large de la Corne de l’Afrique, conduisant
à l’ouverture de la première base militaire chinoise à l’étranger, à Djibouti ;
enfin, la Chine a renforcé sa présence dans les organisations internationales,
comme le Fonds monétaire international (FMI).Ce déploiement international n’est
nulle part autant ressenti qu’en Asie, où la Chine entretient des relations
plus anciennes, et parfois conflictuelles, avec de nombreux pays. Ces conflits
sont tous mal éteints, à commencer par les traumatismes historiques comme ceux
de l’occupation japonaise (1937-1945) qui ne fut jamais suivie d’une réconciliation
comparable à celle de la France et de l’Allemagne. Les relations sino-japonaises
sont encore marquées par ce souvenir, parfois instrumentalisé, parfois ravivé
par le nationalisme à fleur de peau. Il en va de même avec plusieurs autres pays
de la région avec lesquels existent des différends territoriaux ou maritimes:
avec l’Inde, en 2017, conduisant à de nouvelles tensions, ou la mer de Chine
méridionale. Ou simplement d’un comportement autoritaire du pouvoir chinois qui
s’étend à ses voisins : la Corée du Sud en a fait l’expérience en 2017, lorsque
la décision de Séoul d’accepter le déploiement du système antimissile américain
THAAD sur son sol a entraîné des représailles économiques chinoises sévères. Pékin
ne fait pas grand-chose pour atténuer la crainte d’une bonne partie de ses
voisins qui considèrent que la Chine a retrouvé de vieilles ambitions impériales,
visant à devenir la puissance dominante, sinon hégémonique, en Asie. De quoi
créer des tensions avec les États-Unis qui étaient la grande puissance
régionale depuis la Seconde Guerre mondiale, protectrice de ses al-liés mais
plus généralement garante d’un certain équilibre. Les hésitations de Donald
Trump ont contribué à déstabiliser cet équilibre. LES ROUTES DE LA SOIE La
Chine ne se contente pas de bomber le torse. Elle a une stratégie globale, en
Asie et au-delà, qui a pris la forme des nouvelles «routes de la soie», visant
à développer les infrastructures et les investissements entre la Chine, l’Europe et l’Afrique. À coups de milliards
de dollars, la Chine modifie les règles de la mondialisation jusque-là
occidentale. En janvier 2018, le président Emmanuel Macron s’est rendu en Chine
pour plaider en faveur de la «réciprocité» dans les rapports entre la Chine et
le monde. C'est tout l’enjeu de l’insertion du géant chinois dans le concert
mondial: acceptera-t-il de jouer le jeu d’un multilatéralisme ouvert, ou
utilisera-t-il sa taille et le «moment historique» qui lui est favorable pour
imposer ses conditions? Ce sera l’enjeu numéro un de
l’ère Xi Jinping.
Géopolitique de la Chine : 40 fiches illustrées pour
comprendre le monde. Auteur: Haski, Pierre ; Editeur: Eyrolles, Année de
Publication: 2018
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L’INDE, L’«AUTRE» GÉANT D’ASIE ?
Il y a quelques années
encore, il n’existait aucun vol direct entre la Chine et l’Inde, signe de la
faiblesse des rapports entre les deux géants d’Asie, les deux seuls pays au
monde comptant plus d’un milliard d’habitants. Cette anomalie a depuis été
corrigée et les deux voisins, tous deux membres du groupe émergent des BRICS
(Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), tentent de surmonter leurs
divisions et leur rivalité pour chercher un modus vivendi, sans toujours le
trouver. Entre ces deux très anciennes civilisations asiatiques, les relations
sont pourtant anciennes et profondes : tous les Chinois
connaissent La Pérégrination vers l’Ouest, un grand classique de la littérature
chinoise, récit du voyage du moine bouddhiste Xuan Zang et de son singe
immortel, Sun Wu Kong, partis en Inde à la recherche des soutras bouddhiques.
Mais depuis l’indépendance de l’Inde, concomitante de la révolution chinoise,
les deux pays entretiennent des relations parfois conflictuelles. En 1962, alors
que les relations étaient déjà tendues par la fuite en Inde trois ans plus tôt
du dalaï-lama, chef du bouddhisme tibétain, un conflit armé a opposé la Chine et
l’Inde sur les hauteurs de l’Himalaya occidental. C’est la Chine qui a pris
l’initiative de la guerre, afin de modifier la frontière tracée à l’époque britannique.
Les troupes chinoises prirent les Indiens par surprise, et parvinrent à occuper
le territoire de l’Aksai Chin, toujours chinois aujourd’hui et revendi-qué par
l’Inde. La Chine revendique pour sa part une partie de l’Assam indien. APRÈS LA
GUERRE FROIDE Ce bref conflit armé, qui fit 3000 morts du côté indien, a laissé
une blessure ouverte et a eu des conséquences politiques importantes puisqu’il
a précipité la rupture, déjà bien amorcée, entre la Chine et l’URSS, cette
dernière prenant parti pour l’Inde, tandis que la Chine se rapprochera du
Pakistan. Les différends frontaliers sont loin d’avoir été apaisés. En juin
2017, les deux pays ont été au bord de la guerre sur le plateau du Doklam, à
plus de 3000 mètres d’altitude dans l’Himalaya, dans une zone du Bhoutan
revendiquée par la Chine. C’est la construction d’une route par la Chine sur un
bout de terre disputé qui a failli dégénérer en conflit armé: les soldats
chinois et indiens –l’Inde étant le «protecteur» du Bhoutan–
se sont fait face pendant plusieurs semaines. Quelques jours après la
désescalade, en septembre 2017, les dirigeants chinois et indien se
retrouvaient tout sourire au 9e Sommet des BRICS à Xiamen (Chine), malgré les
tensions encore chaudes. Il est clair que la confiance n’est pas au rendez-vous
entre les deux géants, malgré les tentatives de surmonter les malentendus. Dans
les années 2000, les dirigeants des deux pays ont tenté de nouer des
partenariats en misant sur leur complémentarité : l’Inde était alors forte en
software, et la Chine en hardware, un mariage pouvait être mutuellement
bénéfique. Mais il ne s’est pas produit, malgré le développement important des
relations économiques. L’Inde a observé le décollage économique de la Chine
avec envie et effroi alors qu’elle peinait dans son propre développement. Son
avantage qualitatif – la «plus grande démocratie du monde », une classe
moyenne, un fort taux d’anglophones… – a rapidement fondu face à une Chine
devenue l’«usine du monde» grâce à son ouverture économique contrastant avec la
bureaucratie tatillonne de l’Inde. LE RÉVEIL INDIEN La réussite chinoise a sans
nul doute contribué au «réveil» de l’Inde, qui, depuis une décennie, accélère
son développement, attei-gnant des taux de croissance record, parfois
supérieurs à ceux d’une Chine frappée par le ralentissement dans les années
2010. L’Inde reste loin derrière la Chine en termes de produit intérieur brut
(le PIB chinois est cinq fois supérieur à l’indien) ou de revenu par habitant
(7 400 dollars en Chine, 1570 en Inde), mais les deux pays sont désormais
engagés dans la même course au développement rapide.Mais la méfiance indienne
reste entière. New Delhi a ainsi refusé de s’associer au projet phare de Pékin,
les nouvelles routes de la soie. Une partie de cette hostilité est due aux
projets de la Chine chez son voisin et ennemi historique, le Pakistan, en
particulier dans le «China Pakistan Economic Corridor» (CPEC), un projet
stratégique dans lequel Pékin engloutit des dizaines de milliards de dollars,
débouchant sur le port en eau profonde de Gwadar, construit par les chinois au
Pakistan. L’annonce de l’ouverture non loin de Gwadar d’une base navale
chinoise ne contribuera pas à apaiser les inquiétudes de New Delhi.« La
question est de savoir s’il y a de la place pour deux géants dans l’Asie
du XVI e siècle », s’interroge Jean-François Di Meglio,
directeur de l’ins-titut Asia Centre. Si la réponse était négative, les
conséquences seraient tragiques.
Géopolitique de la Chine : 40 fiches illustrées pour
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La Chine : DU SOFT POWER AU SHARP POWER ?
Depuis qu’elle a découvert
le concept imaginé en 1990 par Joseph S. Nye, professeur de la Kennedy School
of Administration de l’université d’Harvard, la Chine est en quête de son
propre soft power. Cette stratégie douce d’influence et de rayonnement, qui
s’oppose au hard power militaire ou économique, fait partie intégrante de
l’approche chinoise, même si elle s’avère plus com-plexe à mettre en œuvre dans
un pays autoritaire. La Chine traduit d’ailleurs littéralement soft power en
chinois par «force douce» (ruan shili), ce qui traduit peut-être un premier
malentendu. En 2007, le numéro un chinois d’alors, Hu Jintao, déclarait au
Congrès du Parti communiste que la Chine devait investir plus dans le soft power,
alors que sa montée en puissance commençait à susciter des craintes chez ses
voisins asiatiques et au-delà. Depuis, des milliards de dollars ont été
dépensés par Pékin, dans une stratégie de soft power aux résultats incertains.
«LIBÉRER LES TALENTS» Joseph S. Nye lui-même a été invité en Chine à plusieurs
reprises pour présenter son concept dans une série de conférences dans les
universités, après des dizaines de livres, articles et colloques sur le sujet
dans les think tanks du pays. Dans un article du Wall Street Journal publié à
l’issue de l’un de ses voyages, le professeur raconte ses échanges avec les étudiants
et leurs professeurs, et relève le poids de la censure politique et de l’autocensure.
«Tous les pays peuvent bénéficier de l’attirance dans la culture de l’autre.
Mais pour que la Chine réussisse dans cette démarche, elle doit libérer les
talents de sa société civile37», écrivait-il, visiblement peu impressionné. Six
ans plus tard, le même Joseph S. Nye répète son mantra dans un nouvel article,
mais déplore surtout la main lourde de Pékin dans des opérations dites de «sharp
power», c’est-à-dire des tentatives de manipulation des opinions publiques, en
Chine et à l’étran-ger, qui sont, à ses yeux, le contraire du soft power.
Le sharp power a remplacé
le soft power dans le regard porté sur la Chine, à mesure que sa posture
devient plus affirmée sur la scène internationale. L’influent hebdomadaire
britannique The Economist en a même fait sa couverture, en décembre 2017, sous
le titre: «Sharp power, les nouvelles formes de l’influence chinoise ». Dans
certains pays, cette influence suscite des remous et des résistances, comme en
Australie, où Pékin est accusé d’avoir voulu «acheter» des soutiens
politiques.L’ambition chinoise initiale était plus «soft ». Pour améliorer
l’image de la Chine et rassurer ses partenaires, la Chine a investi dans
plusieurs directions, puisant dans son patrimoine culturel de quoi séduire le
monde. C’est ainsi que Confucius a donné son nom aux instituts de langue qui
ont poussé dans le monde entier.
LA «DIPLOMATIE DU PANDA»
L’exemple le plus connu, et le plus réussi,
est ce qu’on a appelé la «diplomatie du panda ». Depuis des décennies, la Chine
offre, prête ou loue ses pandas, l’animal fétiche du WWF, à des pays amis ou
courtisés. En 1972, Mao offrit un couple de pandas aux Américains après la
visite de Richard Nixon à Pékin. En France, Huan Huan et Yuan Zi, le couple de
pandas loué par le zoo de Beauval, ont donné naissance en 2017 à un bébé dont
la marraine n’est nulle autre que Brigitte Macron, l’épouse du Président. En fin
de compte, c’est le président Xi Jinping lui-même qui s’est transformé en
instrument de soft power. En développant un discours rassurant sur le «rêve
chinois », qui renvoie au «rêve américain», il a cherché à montrer au monde que
la Chine ne cherchait rien d’autre que sa propre voie. Mais les investissements
dans le soft power par Pékin n’ont pas généré les «bénéfices » en image
attendus. Les études d’opinion dans la zone Asie-Pacifique en particulier
montrent que l’émergence de la Chine inquiète : en 2017, une majorité
d’Australiens, de Japonais, d’Indonésiens, d’Indiens, de Vietnamiens ou de
Sud-Coréens estimaient que l’influence chinoise constituait une « menace » pour
leur propre pays, et même une «menace majeure» pour une majorité de
Sud-Coréens, Vietnamiens et Japonais. Dans la même étude de l’institut Pew 39,
93 % des Sud-Coréens, 90 % des Vietnamiens et Japonais, 78 % des Australiens et
56 % des Indiens s’inquiètent de la montée en puis-sance militaire de la Chine.
En revanche, la puissance économique chinoise divise les opinions, une majorité
d’Australiens et de Japonais estimant que c’est une bonne chose, tandis qu’une
majorité d’Indiens et de Vietnamiens la jugeant négative. L’investissement dans
le soft power ne sut donc pas à façonner une image souriante de l’émergence
chinoise : Joseph S. Nye l’avait prédit.
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