Colles PMO (Q7)


Sujet n°1 :
Durée de préparation: 15 min 
En vous inspirant de la carte et de vos connaissances personnelles, rédiger un exposé de 10 min sur le sujet  suivant:
PMO : Les Bienfaits et malédiction des hydrocarbures ?
Lorsque le monde arabe est évoqué, le pétrole et le gaz renvoient souvent à un imaginaire particulier. D’immenses fortunes accumulées, des monarchies dites pétrolières dont les habitants dépensent sans compter alimentent fantasmes et jalousies mais ne représentent qu’une partie de la réalité. 
LA MANNE DE L’OR NOIR
 Les États arabes détiennent plus de 50 % des réserves prouvées de pétrole, et environ 44 % de celles prouvées de gaz. En 2010, plus de 60 % des habitants des mondes arabes vivent dans des États exportateurs nets de pétrole (Algérie, Irak, Libye, Soudan, Syrie, Yémen et pays du Conseil de coopération du Golfe), si l’on y ajoute l’Égypte avec le gaz on atteint la proportion de 85%. Les exportations d’hydrocarbures représentent plus de 80 % du total des exportations de l’ensemble des pays arabes. Pourtant, ces chiffres ne peuvent cacher les profondes disparités entre ceux des États arabes qui disposent de ces richesses et ceux qui en sont dépourvus. Les lois de la nature étant ce qu’elles sont, c’est au niveau des politiques de solidarité mises en œuvre par les gouvernements qu’il aurait été imaginable que cette manne en hydrocarbures puisse profiter aux sociétés arabes prises dans leur globalité. Il n’en a jamais rien été. Les logiques nationales prévalant, c’est aussi l’une des raisons pour laquelle l’unité arabe est restée un mythe. Les quelques institutions financières destinées à fournir investissements et aides économiques à des pays arabes partenaires créées par les États arabes du Golfe sont restées marginales et ont surtout permis à ces derniers d’exercer une politique d’influence en pratiquant la diplomatie du chéquier.
LES RISQUES D’UNE   DÉPENDANCE
 Par ailleurs, cette abondance de ressources ayant permis à certains États d’accumuler d’immenses profits a généré en retour ce que les économistes appellent le « syndrome hollandais», concept selon lequel l’abondance d’une ressource naturelle peut affaiblir l’économie d’un pays en le dissuadant de facto de diversifier ses projets économiques et ses ressources financières. Si c’est encore le cas pour certains –l’Algérie est l’exemple type du pays qui subit de plein fouet la baisse des cours des hydrocarbures car étant trop exclusivement dépendante d’eux, la situation s’est substantiellement modifiée pour d’autres. Ainsi les monarchies pétrolières du Golfe ont entamé un processus de transformation économique, à la fois par les investissements massifs au sein de pays étrangers en y prenant des participations importantes dans des secteurs stratégiques – industries, bourses, immobilier, médias, sport et/ou par la mise en œuvre de projets nationaux de développement économique multiforme. Le Qatar, le Koweït, Abu Dhabi se sont par exemple dotés de fonds souverains influents, l’Arabie saoudite a conçu en 2016 un vaste programme de réformes, intitulé Vision 2030, destiné à modifier les axes structurants de développement de son économie qui dépend encore à 70 % de l’exportation du pétrole. La prise de conscience et la volonté politiques existent donc, même si ces économies dépendent encore structurellement des hydrocarbures. Les États arabes concernés ont en outre compris que le pétrole pourrait de moins en moins être utilisé comme une arme politique comme cela fut le cas en 1973 : au moment de la guerre du Kippour, opposant Israël à l’Égypte et à la Syrie, es pays arabes producteurs de pétrole décidèrent à la fois d’augmenter le prix du baril et d’imposer un embargo à l’encontre de quatre États amis d’Israël. En quelques semaines, le prix du brut quadrupla, ce qui constitua à l’époque un violent électrochoc économique au sein des pays importateurs. Aujourd’hui, on imagine plus difficilement l’utilisation aussi brutale de telles mesures. Dans une économie internationale globalisée, la loi du marché s’impose en effet avec force. Si la volonté, quoiqu’encore très insuffisante, de développer les énergies renouvelables commence à s’affirmer, les hydrocarbures continueront néanmoins à constituer d’importantes ressources financières pour les pays qui en recèlent et rien ne serait plus réducteur que de considérer que nous sommes d’ores et déjà passés dans l’ère de l’après-pétrole. Si les États producteurs parviennent à réussir leurs projets de diversification économique, alors les hydrocarbures auront constitué un formidable atout de développement et d’insertion dans l’économie mondialisée.
« Géopolitique des mondes arabes : 40 fiches illustrées pour comprendre le monde Didier Billion. Collection dirigée par Pascal Boniface ». Edition 2019






Sujet n°2 :
Durée de préparation: 15 min 
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Chiisme vs sunnisme : des rivalités instrumentalisées ?
LES ORIGINES DE LA RUPTURE 
La rupture originelle entre les deux branches de l’islam est de nature avant tout politique, les querelles et aron-tements théologiques viendront plus tard. En outre, les points communs –la croyance en un dieu unique et aux enseignements de Mahomet – entre sunnisme et chiisme sont plus impor-tants que les divergences. À la mort du Prophète, en 632, se pose la question de sa succession. Les premiers califes sont désignés parmi ses proches, le quatrième d’entre eux, Ali, son cousin et gendre, est assassiné lors d’une révolte fomentée à son encontre. La chi’a, le parti d’Ali, défend alors les droits de ses descendants contre les califes ociels, les sunnites, c’est-à-dire ceux qui suivent la tradition. Le martyre de Hussein, fils d’Ali, lors de la bataille de Karbala en 680 consacre la rupture définitive. Le chiisme évolue ensuite au cours des siècles et se divise notamment à propos du nombre des imams, les successeurs d’Ali, qu’ils reconnaissent comme guides car considérés comme ayant accès au sens caché du message divin. La composante majoritaire du chiisme, les duodécimains, en reconnaissent ainsi douze. On trouve aussi les zaïdites, les ismaéliens, et une branche hétérodoxe, les alaouites, dont l’appartenance au chiisme est néanmoins discutée par les théologiens. Représentant environ 10 % de la communauté musulmane totale, on trouve les chiites dans de nombreux pays des mondes arabes : Irak, Liban, Arabie saoudite, Yémen principalement, Syrie aussi avec la restriction évoquée précédemment. C’est pourtant dans un pays non arabe, l’Iran, que le chiisme a acquis la plus forte importance notamment depuis qu’il est devenu religion d’État au tout début du XVIe siècle, lors de l’avènement de la dynastie safavide
UN ENJEU GÉOPOLITIQUE   PRÉSENTÉ COMME CENTRAL
Dans la période récente, pour de multiples raisons, la rivalité sunnisme-chiisme est fréquemment présentée comme un enjeu géopolitique central. Ce concept est perceptible depuis l’instauration de la République islamique d’Iran en 1979, puis amplifié après la chute de Saddam Hussein en 2003 qui permet l’accession au pouvoir de la communauté chiite alors qu’elle en avait été écartée durant des siècles, bien que démographiquement majoritaire depuis la création de l’Irak moderne. Depuis lors, le décryptage des évolutions régionales de ces dernières années est souvent effectué au prisme de l’opposition entre sunnites et chiites. Or, si le facteur confessionnel constitue incontestablement un paramètre qu’il convient d’intégrer pour saisir les processus politiques en cours, il ne peut cependant pas devenir le substitut à une analyse intégrant la diversité des facteurs sociaux et politiques composant la réalité des sociétés dans leur complexité. Ce rappel méthodologique est d’autant plus essentiel que la multiplication des crises régionales favorise toutes les formes de replis communautaires, dont le religieux n’est qu’une des facettes. La racine de ce type d’analyse réductrice possède son histoire et remonte à la révolution iranienne, souvent présentée comme porteuse d’une volonté expansionniste, ce qui constitue manifestement une erreur de perspective. En effet, depuis la tentative d’invasion de l’Iran révolutionnaire par Saddam Hussein en 1980, ce n’est plus la volonté d’expansion qui va ordonner la politique de Téhéran mais la défense de la patrie et des intérêts nationaux. Plus tard, ce sont Abdallah de Jordanie et Hosni Moubarak qui vont, en 2004, populariser le terme de «croissant chiite» qui irait, selon eux, de l’Iran et de l’Irak jusqu’au Yémen en passant par le Liban et Bahreïn. Depuis lors, la tentation est grande de reproduire cette grille de perception pour saisir les dynamiques régionales, ce qui n’est ni satisfaisant ni efficient.
Elle ne peut, en effet, rendre compte des turbulences entre l’Arabie saoudite et l’Égypte de Mohamed Morsi, entre l’Arabie saoudite et le Qatar, entre la Turquie et l’Égypte, tous États majoritairement sunnites. Elle ne permet pas non plus d’expliquer que les ponts ne soient pas rompus entre le Hezbollah libanais et le Hamas palestinien, ou de comprendre qu’au Yémen une proximité politique existe entre les houthistes et les partisans de l’ancien président Ali Abdallah Saleh. Si l’on s’éloigne du centre de gravité moyen-oriental, elle ne permet pas non plus de saisir le soutien de l’Iran chiite à l’Arménie chrétienne dans son opposition à l’Azerbaïdjan chiite. En réalité le facteur confessionnel est avant tout un instrument que les États utilisent pour servir leurs intérêts géopolitiques.
« Géopolitique des mondes arabes : 40 fiches illustrées pour comprendre le monde Didier Billion. Collection dirigée par Pascal Boniface ». Edition 2019





Sujet n°3 :
Durée de préparation: 15 min 
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                                   Les États-Unis : un acteur en perte d’influence au PMO ?
Pour les États-Unis, les sociétés arabes restent des régions lointaines, à l’égard desquelles n’existent pas, contrairement aux Européens, de liens affectifs ni de relations s’inscrivant dans la longue Histoire. C’est en fait la froide réalité des rapports de force qui prévaut entre les partenaires.
 LES ÉTATS- UNIS, ACTEUR   RÉGIONAL
Ainsi en 1945, la rencontre du Quincy (voir focus p. 146) indique assez bien l’intérêt croissant porté par Washington aux États arabes, notamment pour des raisons géopolitiques. Trois ans plus tard, la création de l’État d’Israël génère un soutien actif et constant de Washington, au risque de susciter parfois quelques tensions avec certains États arabes. En 1956, lors de la guerre de Suez, les États-Unis n’hésitent pas à condamner et à s’opposer à leurs alliés britanniques et français, pour mieux s’imposer et prendre leur place au sein du Moyen-Orient arabe. La guerre froide nécessite quant à elle de renforcer les systèmes d’alliance régionaux sous égide états-unienne pour combattre plus efficacement l’URSS et les nationalismes arabes. Depuis plusieurs décennies, rien ne se réalise dans le domaine des relations régionales sans l’intercession de Washington.
Les interventions directes sont multiples, notamment au Machrek, plus diffuses au Maghreb, et relèvent d’une appréhension binaire, le Bien et le Mal étant ainsi souvent évoqués pour mieux masquer des intérêts matériels en réalité peu soucieux de morale ou d’éthique, le soutien aux régimes autoritaires étant par exemple une constante.
UNE «GUERRE GLOBALE CONTRE LE TERRORISME»
Le 11 septembre 2001 marque une rupture considérable pour les États-Unis, tant à cause des effets psychologiques dus à la perte du sentiment d’invulnérabilité, que des doutes qui se cristallisent à l’égard des systèmes d’alliance mis en œuvre (15 des 19kamikazes sont Saoudiens), ou à la découverte enfin, certes théorique, de la complexité des sociétés arabes. La « guerre globale contre le terrorisme» développée par George W.Bush trouvera un terrain d’application prioritaire dans la région, ce qui va entraîner de nombreuses dérives. Sous l’impulsion du courant néo-conservateur, très influent à l’époque, l’administration Bush applique le concept d’instabilité constructive qui vise à remettre en cause les alliances traditionnelles contractées dans les mondes arabes depuis des décennies, n’hésitant pas à préconiser la modification des frontières régionales sous le prétexte de « remodeler le Moyen-Orient », selon la formule utilisée par le président des États-Unis. C’est dans ce contexte qu’une guerre unilatérale est déclarée à l’Irak de Saddam Hussein en 2003, sans aucun mandat de l’ONU, et dont les conséquences font toujours sentir leurs effets dévastateurs plus de quinze ans plus tard. Quand il parvient au pouvoir, le Président Obama semble décidé à contrecarrer cette fuite en avant. Ainsi, lors du discours qu’il prononce au Caire en juin 2009, il paraît se démarquer radicalement de son prédécesseur et initie une politique nouvelle à l’égard des mondes arabe et musulman. Critiques à l’égard de la politique menée par les dirigeants israéliens, souhait du dialogue avec les partisans modérés de l’islam politique constituent d’incontestables évolutions. On constate d’ailleurs, de la part de Washington, une véritable empathie à l’égard de ces derniers lors du début des mouvements de contestation politique qui touchent plusieurs États arabes en 2011. Ainsi en Égypte, il n’hésite pas à se désolidariser de Hosni Moubarak, qui incarnait pourtant un des points d’appui essentiels des États-Unis dans la région, ce qui va, par contrecoup, éveiller une forte défiance chez d’autres alliés, telle l’Arabie saoudite, soupçonnant Barack Obama de n’être point un partenaire fiable. Les tensions avec ces alliés arabes iront croissantes à propos du dossier nucléaire iranien dans lequel le président des États-Unis va beaucoup s’investir pour finalement parvenir à un accord au mois de juillet 2015, contresigné par les membres du Conseil de sécurité  élargi à l’Allemagne. La perspective de la réintégration de l’Iran dans le jeu politique régional et international n’est appréciée ni par les États arabes du Golfe ni par Israël, ce qui obligera les États-Unis à refonder leur politique régionale dans les années à venir. Ni désintérêt ni ingérence, telles sont les deux bornes à l’intérieur desquelles Washington devra faire preuve de pragmatisme et d’intelligence politique pour tenter de rester au cœur de l’architecture de sécurité régionale. L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis constitue néanmoins un nouveau facteur d’incertitudes.
« Géopolitique des mondes arabes : 40 fiches illustrées pour comprendre le monde Didier Billion. Collection dirigée par Pascal Boniface ». Edition 2019



Sujet n°4 :
Durée de préparation: 15 min 
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Le PMO : une « arrière cours » de la Russie ?
Bien que les mondes arabes se situent hors de sa sphère d’influence immédiate, ils ont cependant représenté un enjeu géopolitique de première importance pour la Russie, impériale, soviétique ou contemporaine, et constitué un des éléments de sa profondeur stratégique. La constante préoccupation de contrôle des accès aux mers chaudes ou de protection des chrétiens d’Orient, sont ainsi, depuis plusieurs siècles, des marqueurs de la présence russe dans les régions arabes, plus particulièrement dans sa composante moyen-orientale. Au cours de la guerre froide, l’URSS crée des réseaux et systèmes d’allégeance à travers des alliances étatiques favorisées par la décolonisation, avec l’Égypte et la Syrie notamment, et par l’aide aux partis communistes locaux qui, dans certains pays comme l’Irak, acquièrent un poids politique incontournable et lui permettent d’amplifier son influence. Néanmoins, le fait que l’Union soviétique soit le premier État à reconnaître Israël en 1948 et lui fournisse une importante aide en armements, via  la Tchécoslovaquie, brouille partiellement son image. L’implosion de l’Union soviétique en 1991 amoindrit considérablement l’influence acquise précédemment et prend alors essentiellement la forme de partenariats économiques – principalement dans les domaines de l’armement et de l’énergie mais dans une situation où l’économie russe elle-même connait de profondes turbulences qui l’empêchent en réalité de se projeter de manière significative dans la région. Au cours des années 1990, face à l’hyperpuissance états-unienne, Moscou nest plus un protagoniste qui pèse véritablement dans les mondes arabes. 
LE RETOUR DE LA RUSSIE   SUR LA SCÈNE GÉOPOLITIQUE    RÉGIONALE
C’est le mouvement de contestation politique se manifestant à partir de l’hiver 2010-2011 qui permet à la Russie de revenir sur l’échiquier politique régional pour s’y affirmer comme un acteur central. Ayant accepté de s’abstenir, donc de ne pas utiliser son droit de veto, lors du vote de la résolution 1973 adoptée par le Conseil de sécurité de l’ONU sur la situation en Libye, la Russie s’estime rapidement trahie puisque ni l’esprit ni la lettre de ladite résolution ne seront ensuite respectés par les puissances occidentales. De la «responsabilité de protéger», les protagonistes étrangers passent en eet rapidement à la volonté de procéder à un changement de régime nullement prévu par le vote du Conseil de sécurité. C’est dans ce contexte que le conflit syrien devient, concomitamment, un des plus graves foyers crisogènes au sein de la région. La Russie de Vladimir Poutine ne dément alors jamais son soutien à Damas, allant jusqu’à utiliser son droit de veto à neuf reprises (octobre 2017) au sein du Conseil de sécurité sur des résolutions condamnant le régime syrien. De multiples facteurs expliquent ces décisions basées sur des relations bilatérales jamais remises en cause depuis les années 1950. La présence, tout d’abord, de plusieurs dizaines de milliers de binationaux et de couples mixtes ; des relations économiques solides – les exportations russes étaient supérieures à 1,1 milliard de dollars en 2010 et les investissements d’environ 20 milliards – ; d’importantes ventes d’armes qui rapportent certes de l’argent – 4milliards de dollars en 2011 mais qui permettent surtout aux Russes de tester et de prouver la qualité de leur technologie; la mission protectrice des chrétiens d’Orient –plus d’un million en Syrie notamment de l’Église orthodoxe de Syrie dont la hiérarchie ecclésiale reste proche du régime de Bachar Al-Assad ; l’analyse de la situation en Syrie à travers le prisme caucasien et donc la perception des mouvements de contestation dans les mondes arabes comme des révolutions islamistes dont la Russie craint quelles finissent par s’étendre au sein de sa propre population qui compte de 20 à 25millions de musulmans; la réaffirmation enfin du rôle international de la Russie dans son bras de fer avec les puissances occidentales, principalement les États-Unis. 
DE MULTIPLES PORTES   D’ENTRÉE
Force est d’admettre qu’une partie de ces facteurs s’applique à d’autres pays arabes et sont structurants de ce retour russe dans la région qui profite en outre du relatif désengagement des États-Unis. Ainsi, si l’importance de Moscou est particulièrement prégnante sur le dossier syrien elle n’y est pas pour autant circonscrite. En réalité, la Russie multiplie les initiatives en direction de divers partenaires potentiels –Algérie, Égypte, Arabie saoudite mais aussi Israël, Iran, Turquie, Kurdes ce qui lui fournit des portes d’entrée diversifiées, même si parfois contradictoires.
« Géopolitique des mondes arabes : 40 fiches illustrées pour comprendre le monde Didier Billion. Collection dirigée par Pascal Boniface ». Edition 2019





Sujet n°5 :
Durée de préparation: 15 min 
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La Turquie, une difficile affirmation régionale ?
Depuis la fin de l’Empire ottoman, la Turquie a longtemps considéré le monde arabe avec circonspection. La mémoire de ce qu’Ankara considère comme la trahison des Arabes lors de la Première Guerre mondiale, le choix d’édifier une république laïque dans les années 1920, les alliances contractées avec le monde occidental après 1945, ont contribué à rendre les relations souvent difficiles avec ses voisins méridionaux. 
UNE DIPLOMATIE INNOVANTE 
Néanmoins, il y a une dizaine d’années, la Turquie, a affirmé ses objectifs en matière de politique extérieure à l’aide d’une formule lapidaire, «zéro problème » avec nos voisins». Le mot d’ordre a eu, depuis lors, quelques difficultés à se concrétiser, mais il tranchait néanmoins singulièrement avec l’adage qui avait antérieurement présidé à la mise en œuvre de la diplomatie régionale turque durant des décennies, « le Turc n’a d’ami que le Turc ». Le changement de paradigme était clair et indiquait la volonté turque de déployer une politique extérieure à 360 degrés et de s’insérer plus avant dans son environnement moyen-oriental. La première décennie du siècle est en effet foisonnante d’initiatives économiques, politiques, diplomatiques de la Turquie qui s’affirme comme
une puissance incontournable dans une large partie du monde arabe. Les Tigres anatoliens, hommes d’affaires et soutiens du Parti de la justice et du développement au pouvoir depuis 2002, s’inscrivent dans ce mouvement parce qu’il correspond à leurs intérêts économiques. Les médiations politiques turques se multiplient, notamment en 2008 entre Israël et la Syrie. Le plus spectaculaire est d’ailleurs le rapprochement avec Damas qui passe alors du statut de rival historique à celui de partenaire privilégié. Quand, à partir de l’hiver 2010-2011, l’onde de choc politique se propage dans les mondes arabes, la Turquie, surprise, marque un moment d’hésitation. Faut-il maintenir les liens qui ont été tissés avec les régimes en place ou au contraire s’engager dans le soutien aux mouvements de contestation. C’est le second choix qui sera effectué et la diplomatie turque semble alors triompher. Ainsi, Recep Tayyip Erdoğan ef-fectue une tournée officielle remarquée en Égypte, en Tunisie et en Libye à l’automne 2011 et il est fréquent d’évoquer à l’époque un «modèle turc». Le pouvoir turc fait alors le choix de privilégier les pays où les Frères musulmans semblent s’imposer comme en Égypte, en Tunisie et en Syrie. 
LES CONTRADICTIONS   TURQUES: LE DOSSIER SYRIEN   ET LA QUESTION KURDE
Mais c’est justement le mouvement de révolte en Syrie qui va rebattre les cartes. Les dirigeants turcs vont être piqués au vif que Bachar Al-Assad ne prenne aucunement en compte leurs conseils de démocratisation. Dès l’été 2011, le Premier ministre turc conçoit alors une sorte d’obsession politique visant à faire chuter le président syrien. Soutenant les diverses composantes de la rébellion les dirigeants turcs montrent une réelle complaisance à l’égard des groupes les plus radicaux. La résilience du régime syrien et l’inanité d’une solution militaire va néanmoins mettre la Turquie en porte-à-faux, d’autant que la stratégie liberticide mise en œuvre en Turquie par le président Erdoğan ternit considérablement l’aura du pays au sein des mondes arabes. Enfin, le chaos qui prévaut en Syrie va contribuer à réactiver la question kurde qui reste un défi existentiel pour Ankara. Le Parti de l’union démocratique (PYD), que le pouvoir turc accuse d’être la projection syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qualifié de terroriste, constitue un défi central. Non seulement le PYD proclame en novembre 2013, une administration autonome, le Rojava, sur une vaste zone le long d’une partie de la frontière turco-syrienne, mais, en outre, ses milices qui affrontent l’État islamique sur le terrain sont abondées par Washington et Moscou. La Turquie est donc dans une contradiction majeure puisqu’un parti qu’elle considère comme un ennemi est soutenu par ses alliés et partenaires. Se trouvant de plus en plus isolée dans la gestion du délicat dossier syrien, la Turquie infléchit brusquement sa politique au cours de l’été 2016 en coordonnant sa politique avec celle de Moscou, alors que les deux États défendaient jusqu’alors des positions diamétralement opposées. Cette sensible évolution va non seulement lui permettre de se trouver au centre des initiatives diplomatiques visant à mettre en œuvre une solution politique à la crise syrienne mais aussi de tenter de démontrer aux pays arabes qu’elle reste un État indispensable à la stabilité régionale. C’est aussi pour ces raisons que de multiples initiatives de coopération sont nouées avec plusieurs États pétroliers du Golfe.
« Géopolitique des mondes arabes : 40 fiches illustrées pour comprendre le monde Didier Billion. Collection dirigée par Pascal Boniface ». Edition 2019

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