TR: Les Amériques

TR n°1: Le droit des autochtones 
TR n°2:   L'am latine dans un monde multipolaire


































L'Am du Sud face au narcotrafic









-« L’Amérique latine est un continent pauvre. »

« L’Amérique latine est un continent pauvre. »J’ai grandi dans un quartier privé de Buenos Aires…Privé d’eau, d’électricité et de téléphone…Diego Armando Maradona, lors d’une visite en Bolivie  en mars 2004

Dans le monde, aucun pays ne peut se prévaloir de  ne  pas  connaître  la  pauvreté,  tout  simplement parce  que  la  pauvreté  est  avant  tout  une  question de  perception.  La  pauvreté  ne  peut  se  mesurer  de façon absolue efficacement, car elle a une très forte composante psychologique, qui dépend de beaucoup de facteurs autres que la simple possession de biens matériels.  Toutefois,  l’Amérique  latine  n’échappe pas  aux  chiffres  accusateurs.  En  2015,  29,2  %  des Latino-Américains  vivaient  encore  en  situation  de pauvreté  (environ  175  millions  de  personnes),  et 12,4 % en situation d’extrême pauvreté (75 millions). Il  peut  alors  apparaître  difficile  de  contester  l’idée que  l’Amérique  latine  est  un  continent  pauvre,  et d’ailleurs, cela n’aurait pas de sens. Les pays d’Amérique latine ont quasiment tous comme priorité de réduire  la  pauvreté.  Pourtant,  derrière  les  chiffres bruts, se cache une grande diversité de situations. La  situation  d’extrême  pauvreté  implique  des conditions de vie misérables : manque d’eau potable, faim,  aucun  accès  à  l’électricité…  À  titre  de  comparaison,  en  Europe,  continent  considéré  comme « riche », plus de 24 % de la population est en situation  de  pauvreté  en  2014.  Sur  le  plan  matériel,  la pauvreté  européenne  est  sans  comparaison  avec  la « L’Amérique latine est un continent pauvre. »J’ai grandi dans un quartier privé de Buenos Aires…Privé d’eau, d’électricité et de téléphone…Diego Armando Maradona, lors d’une visite en Bolivie  en mars 2004Dans le monde, aucun pays ne peut se prévaloir de  ne  pas  connaître  la  pauvreté,  tout  simplement parce  que  la  pauvreté  est  avant  tout  une  question de  perception.  La  pauvreté  ne  peut  se  mesurer  de façon absolue efficacement, car elle a une très forte composante psychologique, qui dépend de beaucoup de facteurs autres que la simple possession de biens matériels.  Toutefois,  l’Amérique  latine  n’échappe pas  aux  chiffres  accusateurs.  En  2015,  29,2  %  des Latino-Américains  vivaient  encore  en  situation  de pauvreté  (environ  175  millions  de  personnes),  et 12,4 % en situation d’extrême pauvreté (75 millions). Il  peut  alors  apparaître  difficile  de  contester  l’idée que  l’Amérique  latine  est  un  continent  pauvre,  et d’ailleurs, cela n’aurait pas de sens. Les pays d’Amérique latine ont quasiment tous comme priorité de réduire  la  pauvreté.  Pourtant,  derrière  les  chiffres bruts, se cache une grande diversité de situations. La  situation  d’extrême  pauvreté  implique  des conditions de vie misérables : manque d’eau potable, faim,  aucun  accès  à  l’électricité…  À  titre  de  comparaison,  en  Europe,  continent  considéré  comme « riche », plus de 24 % de la population est en situation  de  pauvreté  en  2014.  Sur  le  plan  matériel,  la pauvreté  européenne  est  sans  comparaison  avec  la importante  frustration  des  populations  pauvres.  À son  tour,  cette  frustration  aggrave  le  sentiment  de pauvreté issu des  manques matériels,  et qui  fait de l’Amérique latine un continent perçu comme pauvre. Mais il convient aussi de nuancer l’idée de continent pauvre, en raison des importants progrès réalisés ces dernières années. Ainsi, la pauvreté est, depuis le début des années 1990, en constant recul, et ce dans tous les pays du continent, sauf quelques exceptions comme l’Argentine ou le Paraguay, qui ont fait face à  de  graves  crises  économiques dont  ils ne  se  sont pas  encore  totalement  remis.  À  titre  d’exemple,  le Chili est passé de 38,6 % de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté en 1990, à 14 % en 2013. Les indicateurs globaux pour toute l’Amérique latine le montrent également, avec entre 1990 et 2013, une baisse  de  près  de  20  points  de  la  proportion  de  la population  vivant  en  dessous  du  seuil  de  pauvreté (48,4 % à 28,1 %). La crise économique mondiale des années 2008-2009 ralentit les progrès voire même a légèrement inversé la tendance. En 2015, la pauvreté est ainsi remontée à 29,2 % en Amérique latine. Dans de  nombreux  pays, le  recul  de  la pauvreté est un signe de changement de la société. Les importants  investissements  dans  l’éducation,  la  santé  et dans d’autres secteurs à très fort impact sur le développement humain ont produit des effets visibles ces deux dernières décennies. En 1990, par exemple, le Nicaragua consacrait 9,7 % des dépenses publiques à  l’éducation.  Dans  les  années  2000,  ce chiffre  est passé à 15 %.  Depuis 2009, toutefois, le  ralentissement de la croissance économique n’a pas permis de poursuivre ces progrès. La France consacre plus de 30 % de son budget à l’Éducation nationale, la recherche et l’enseignement supérieur, soit encore le double. Il apparaît toutefois évident  que  l’Amérique  latine  rejoint  lentement  le groupe des pays qui investissent le plus dans l’éducation, or celle-ci est la clé du développement. À  cela  s’associent  deux  facteurs  économiques très importants : l’Amérique latine est riche en ressources diverses. Inutile de rappeler l’importance des réserves de pétrole vénézuéliennes ou brésiliennes (le Brésil à découvert, en 2008, un gigantesque gisement au  large  de  ses  côtes,  qui  promet  d’assurer  l’indépendance énergétique du pays, déjà presque atteinte, pour  encore  de  nombreuses  années).  L’Amérique latine  investit  également  massivement  dans  la recherche agronomique, et le continent est en train de  basculer  d’un  mode  de  production  extensif  à un mode  de  production  intensif  (processus qui  est engagé depuis longtemps, mais s’accélère). Au Brésil et en Argentine, la recherche en agronomie est parmi les  plus  avancées  au  monde.  Plus  généralement, l’Amérique  latine  développe  une  économie  de  services, caractéristique  des pays  riches et  développés. La prospérité du secteur tertiaire est un des aspects les plus encourageants pour l’Amérique latine. En  somme,  il  n’y  a  rien  d’étonnant  à  ce  que l’Amérique latine soit perçue comme pauvre, car la population y est confrontée à un très fort dénuement matériel et des inégalités génératrices de frustration. Toutefois, si l’idée de la pauvreté du continent doit être  relativisée,  sa  richesse  potentielle  et,  au-delà, sa prospérité attendue lui donnent l’espérance d’un avenir meilleur, s’il continue à faire des efforts dans la bonne direction.
Extrait de « L’Amérique latine »  Olivier Dabène .2e édition 2017

-« L’Amérique latine est un continent violent. »

« L’insécurité en Amérique latine est plus meurtrière que le sida  ou que n’importe quelle autre épidémie connue ». José Miguel Insulza, secrétaire de l’Organisation des États améri-cains, réunion des ministres de la Sécurité publique, Mexico, 2008

L’Amérique  latine  a  la  réputation  d’être  l’une des  régions  les  plus  violentes  au  monde,  ce  que  confirment  de  nombreuses  études.  D’après  l’Organisation panaméricaine de la santé, un indice de criminalité « normal » serait de 0 à 5 homicides chaque année pour 100 000 habitants. En Amérique latine, cet  indice  dépasse  souvent  10.  Le  Salvador  est  un cas extrême, avec un indice de 103 en 2015, suivi du Venezuela. Le tableau ci-après montre toutefois une forte hétéro généité entre les pays. Le cône Sud apparaît plus pacifié que la région andine. Il convient aussi de remarquer que le niveau de violence varie à l’intérieur même des pays, voire des villes. Cependant, depuis le début des années 1990, la tendance générale est à l’augmentation de la violence dans toute la région. La  violence  est  un  phénomène  multiforme. Dans  un  ouvrage  devenu  un  classique  (Crime  and Violence in Latin America, 2003), Morrison, Buvinic et  Shifter  distinguent  la  violence  domestique  et  la violence sociale. Dans le premier cas, il s’agit d’une violence  entre  des  personnes  liées  par  le  sang  ou par le mariage. Elle a  rue,  ce  qui  la  rend  plus  visible.  Ces  deux  types  de violence sont liés : des comportements violents qui ont lieu à l’intérieur du cercle familial favoriseraient le  développement  d’une  violence  domestique  et/ou sociale chez les enfants, qu’ils en soient victimes ou  témoins.  Il  existe  un  autre  type  particulier :  la violence politique qui s’illustre par exemple avec les guerres civiles. Comme le souligne la Banque mondiale (« Crime and Violence as Development Issues in Latin America and the Caribbean », contribution de  la  Banque  mondiale  à  la  Conférence  sur  la  criminalité et la violence urbaine, Rio de Janeiro, 2-4 mars 1997), « les différentes dimensions du crime et de la violence […] sont liées et se renforcent mutuellement de façon complexe. Lorsqu’une guerre civile prend fin, les guérilleros peuvent se reconvertir dans la  criminalité.  Élevés  dans  un  climat  de  violence domestique,  des  jeunes  peuvent  devenir  des  délinquants de rue, etc. ».Nous  nous  intéresserons  surtout  à  la  violence sociale. Elle se manifeste à travers les mises à mort illégales, les affrontements avec les forces de l’ordre, les vols  à main  armée, les  guerres entre  gangs, etc. Les maras et pandillas, bandes de jeunes d’Amérique centrale,  commettent  de  nombreux  vols  ou  agressions  et  sont  de  plus  en  plus  actives  dans  le  trafic de drogue. La violence sociale peut être urbaine ou rurale, perpétuée par des jeunes ou par la police elle-même. Les motifs sont très divers (trafic de drogue, intimidation), bien que la violence puisse aussi être une fin en soi,  qui  ne présente  alors pas  de  motifs particuliers. Les causes de ce phénomène sont nombreuses et complexes. Les facteurs sociaux viennent au  premier rang. Les inégalités de revenus et le manque d’intégration entraîneraient une frustration génératrice de souvent  lieu à l’intérieur des foyers. Dans le second cas, c’est une violence entre individus  sans  lien  particulier.  Elle  a  lieu  dans  la comportements violents, voire de véritables affrontements de classes. Le narcotrafic a aussi pour effet d’élever  le  niveau  de  violence  des  sociétés.  Mais les  causes  peuvent  être  aussi  familiales.  Une  étude (Larrain et al., 1997) a montré qu’au Chili, les pères avec quatre enfants ou plus étaient en moyenne trois fois plus violents envers ceux-ci que les pères n’ayant qu’un seul enfant. Les enfants victimes de maltraitance  auraient,  comme  mentionné  précédemment, tendance à reproduire cette violence une fois adulte. Enfin, la potentialité violente dépend de l’individu. Des études ont ainsi montré que la propension à la violence  serait  plus  forte  lorsque  l’individu  est  de sexe  masculin,  jeune,  peu  instruit,  avec  de  faibles revenus ou encore lorsque celui-ci est sous l’emprise de drogues ou d’alcool. Les  coûts  engendrés  par  la  violence  sont  très  élevés.  Elle  accroît  le  sentiment  d’insécurité  et influe  négativement  sur  le  développement  économique et sur la gouvernabilité des pays. Le coût en vies  humaines  est  énorme.  Le  rapport  du  Conseil  national  de  sécurité  publique  du  Salvador  montre ainsi qu’en 2006, 500 000 années de vie ont été perdues  à  cause  de  la  violence  en  Amérique  centrale. Dix ans plus  tard, plus  de 6 000 assassinats par  an ont  lieu  au  Salvador.  Les  effets  économiques  sont évidents. Si la violence résulte de l’accroissement de la misère et des inégalités, elle appauvrit également la société en empêchant son développement économique, d’où un véritable cercle vicieux. Le climat de violence éloigne les entreprises et les investissements de la région. Selon l’étude de Londoño et Guerrero, les coûts de  la  délinquance en Amérique  latine, en tenant compte des biens volés, seraient équivalents à 14,2 % du PIB de la région, avec toutefois de fortes disparités entre les pays et leur degré de violence. Les comportements  sont  aussi changés  par  la  violence. Le  sentiment  d’insécurité  oblige  à  prendre  le  taxi plutôt que les  transports en  commun, à  éviter certains quartiers, etc. La qualité de vie en est profondément affectée. Les victimes d’agressions souffrent et le prix de la douleur demeure impossible à évaluer. Par ailleurs, face à l’incapacité des gouvernements à résoudre ce problème, s’est développée une sécurité privée  que  seuls  les  plus  riches  ou  les  entreprises peuvent s’offrir. Enfin,  les  dépenses  liées  aux  services  destinés  à réduire et à punir la violence (police, prisons) sont conséquentes  et  privent  les  sociétés  de  ressources importantes. De même, les politiques de prévention, de réduction de  la violence  et  d’assistance aux  victimes  ont  un  coût.  Elles  se  traduisent  souvent  par une perte d’authenticité démocratique. D’une part, les forces de l’ordre et/ou paramilitaires, en combattant la violence  par  la violence, portent  non seulement préjudice à la démocratie mais accroissent aussi le phénomène lui-même et le sentiment d’insécurité. D’autre part, ces politiques de lutte se caractérisent par  des  restrictions  des  libertés  fondamentales, des violations des droits de l’Homme ou encore par une militarisation de la société. Les appareils répressifs se durcissent. Ainsi, dans la guerre contre les maras, le gouvernement salvadorien a adopté une politique de mano dura (littéralement « main dure ») dans le but d’emprisonner  tout  marero  présumé  du  simple  fait de ses tatouages ou de son comportement. Une peine de deux à cinq ans de prison pouvait être appliquée à  tout  marero  âgé  d’au  moins  douze  ans.  Déclarée inconstitutionnelle,  cette  loi  a  été  remplacée  par celle  de  la  mano  super  dura,  qui  prévoyait  jusqu’à cinq ans de prison pour les mareros de plus de dix-huit ans. Cette perte d’authenticité des démocratie conjuguée  à  l’incapacité  des  institutions  démocratiques à  résoudre  le  problème  de la violence risque de les discréditer. La violence constitue un véritable défi pour les démocraties latino-américaines.
Extrait de « L’Amérique latine »  Olivier Dabène .2e édition 2017

-« L’Amérique latine est la terre  du populisme. »

Je ne suis plus moi-même. Je suis le peuple.Hugo Chávez, El País, décembre 2008

Contrairement  à  ce  que  l’on  pourrait  croire, l’Amérique  latine  n’est  pas  le  berceau  du  populisme. Celui-ci est tout d’abord apparu en Russie et en  Amérique  du  Nord.  Il  a  contaminé  le  continent latino-américain  dans  les  années  1930  et  s’y  est  installé, semble-t-il, durablement. Dans son ouvrage Les Populismes,  l’historien  Jean-Pierre  Rioux  définit  le populisme comme un courant politique dirigé par un leader  charismatique  et  indissociable  d’une  critique constante  des  élites  ainsi  qu’une  référence  systématique au peuple. Le populisme s’est installé en Amérique latine en même temps que la question sociale, dans les années 1930/1940, dans le but d’intégrer les couches  populaires,  en  particulier  la  classe  ouvrière apparue  suite  à  l’industrialisation.  Plusieurs  pays, l’Argentine, le Mexique ou encore le Brésil, ont préféré ce courant politique à la répression afin de donner l’impression d’une évolution et empêchant ainsi toute révolution.  Une  contradiction  est  alors  apparue :  il s’agissait, par l’intermédiaire du populisme, d’intégrer les couches  populaires  pour mieux  conserver l’ordre oligarchique ancien. En Argentine tout d’abord, Perón entre au gouvernement suite au coup d’État du groupe des Officiers unis en  1943.  Conscient de  l’importance du  soutien des masses, il  promet  dès lors des  réformes sociales. Sa  popularité  augmente  jusqu’à  son  renvoi.  Le  17 octobre  1943,  jour  fondateur  du  mythe  péroniste, la foule réclame son retour lors d’une manifestation massive  à  Buenos  Aires.  Il  s’est  déjà  constitué  une clientèle qui lui restera fidèle, même pendant ses dix-huit années d’exil (1955-1973). Élu président en 1946, il s’appuie énormément sur son charisme afin de créer un lien affectif fort entre lui, le leader, et son peuple. Sa femme, connue sous le nom d’Evita, attire également de nombreux soutiens grâce à ses puissants discours. Un véritable culte de la personnalité se développe autour de son personnage. L’idéologie de Perón reste vague,  bien que  celui-ci  insiste sur  sa doctrine « justicialiste ». Il aurait tenté d’œuvrer pour plus de justice sociale, condition de l’unité nationale, au travers de diverses  politiques de  redistribution. Malgré son  contrôle  hasardeux  du  budget  national,  il  offre les premiers congés payés et les salaires s’améliorent. Cependant, les limites des droits des travailleurs sont nombreuses : la grève est interdite et la Confédération générale du  travail (CGT)  lui est  soumise dès  1950, jouant un rôle considérable dans sa réélection en 1951.En  ce  qui  concerne  le  Mexique,  les  racines  du populisme  se  trouvent  au  sein  du  Parti  révolutionnaire  institutionnel  (PRI),  formellement  créé  en 1946  (il  a toutefois  existé  depuis  1929  sous  d’autres appellations). En dépit de son apparente institutionnalisation,  le  parti  n’a  ni  programme  ni  idéologie consolidés.  Ceux-ci  dépendent  surtout  du  président au pouvoir, qui exerce une forte domination personnelle. Le PRI gouverne le pays pendant 72 ans (1928-2000) au travers d’alliances avec la classe dominante et  les  syndicats  officiels.  Durant  cette  période,  tous les  présidents  de  la  République  sont  issus  du  PRI et  possèdent  la  majorité  à la  Chambre des  députés. Les politiques économiques développées au Mexique 111sous l’égide du PRI vont du protectionnisme au néo-libéralisme.  Le  tournant  libéral  s’est  produit suite  à la découverte  de  ressources  pétrolières.  Le  président López  Portillo  prit alors  des  décisions  économiques pouvant être considérées comme irresponsables : prêts à l’extérieur, absence de contrôle de l’inflation, etc., sacrifiant  ainsi  tous  les  secteurs  de  l’économie.  En 1981, la demande de pétrole baisse et le pays se trouve empêtré dans une crise financière qui l’oblige à mettre en place une politique de privatisation.Une autre  expérience  populiste majeure  en  Amérique  latine  est  celle  de  Getúlio  Vargas.  Celui-ci  gouverne le Brésil de 1930 à 1945 et de 1951 à 1954. En 1937, il commet un coup d’État qui installe l’Estado Novo (« État nouveau ») et il se convertit en dictateur jusqu’en 1945. Sa stratégie consiste à nouer des relations étroites entre l’État et les syndicats, en nommant les  leaders  syndicaux  et  en  promulguant  des  lois  en faveur des travailleurs. Vargas est un personnage très charismatique qui fait souvent appel au peuple pour consolider sa légitimité. Contrairement à Perón et à certains présidents mexicains, il ne s’appuie pas sur le modèle « populiste économique » avec des politiques fiscales irresponsables qui conduisent généralement à la crise économique. Vargas sait préserver les finances publiques et demeure le principal acteur de la révolution industrielle brésilienne. Avec lui, le populisme est aussi un moyen pour développer l’économie. Par la suite, les années 1980 sont marquées en Amérique latine non seulement par la crise de la dette mais aussi par le début des transitions démocratiques. Cependant, ni la démocratie ni les politiques néo libérales du consensus  de  Washington  ne  conduisent  à  la  disparition  du  populisme  comme  on  aurait  pu  le  penser. Bientôt, le terme  de «  néopopulisme »  apparaît pour désigner le nouveau modèle qu’incarnent les présidents néolibéraux Fujimori au Pérou et Menem en Argentine. Celui-ci  se  distingue  du  «  populisme  classique  »  en privilégiant des politiques néolibérales, par opposition à l’interventionnisme étatique d’auparavant. Fujimori et Menem surmontent l’instabilité politique qui touche leur pays et accomplissent deux mandats présidentiels, fait  unique  sur  le  continent. Leur  succès peut  laisser penser que le populisme latino-américain est une force adaptable à la mondialisation, en dépit de sa faiblesse institutionnelle accentuée par un manque de légitimité. En outre, bien que Fujimori ait su s’assurer le soutien de  la  classe  populaire,  les  réformes  néolibérales  qu’il met  en  place  ainsi  que  sa  stratégie  politique  à  court terme provoquent des bouleversements profonds. Cette opposition se renforce, en particulier là où les réformes ont été les plus profondes et là où les institutions, ainsi que les élites politiques, ont été les plus faibles. Enfin, un populisme plus traditionnel a de nouveau surgi  avec  Evo  Morales  en  2006  en  Bolivie et  Hugo Chávez  en  1998  au  Venezuela.  Leurs  discours  anti- néolibéraux  marquent  leur  opposition  catégorique au consensus de Washington et au Fonds monétaire international. Comme pour le populisme des années 1930  et  1940,  une  grande  partie  des  classes  exclues considère ce mouvement comme étant le leur. Cette identification a été un élément absent, et finalement déstabilisateur, des régimes néo-populistes des années 1990. L’inclusion des classes marginalisées garantit la continuité de ces expériences. Les chavistes au Vene-zuela parviennent à conserver le pouvoir même après la mort du leader Hugo Chavez en 2013.Ainsi, nous ne pouvons nier la présence du popu-lisme  en  Amérique  latine.  Celui-ci  a  toutefois  pris des formes diverses et n’a cessé d’évoluer au cours du temps. Le populisme, sorte de corruption idéologique de la démocratie, révèle donc les dysfonctionnements de cette dernière sur le continent.
Extrait de « L’Amérique latine »  Olivier Dabène .2e édition 2017

 -« L’Amérique latine est la chasse gardée des États-Unis. »

Nous considérons que toute tentative de l’Europe en vue d’étendre son système à quelque fraction que ce soit de cet hémisphère serait dangereuse pour notre paix et notre sécurité.
Discours du président James Monroe en 1823

La doctrine de ce président républicain des États-Unis d’Amérique, rendue en partie par l’expression «  l’Amérique  aux  Américains  »,  prévoit  la  surveillance et la défense du continent sud-américain face aux  prétentions  territoriales  des  Européens.  Cette déclaration  de  solidarité  anti-européenne  pose  les fondements  du  panaméricanisme  en  déclarant  que l’Amérique  latine  constitue  «  l’espace  réservé  »  des États-Unis.  Soixante  ans  plus  tard,  leur  décollage économique  et  l’achèvement  de  la  conquête  de l’Ouest les forcent à trouver de nouveaux débouchés géographiquement proches. Une ère de domination économique, militaire et politique s’ouvre alors pour l’Amérique latine. L’intervention américaine à Cuba en 1898 le démontre parfaitement. En  effet,  l’invasion de l’île, alors en proie à sa seconde guerre d’indépendance contre l’Empire espagnol, s’inscrit dans une  logique  commerciale.  Le  «  colosse  du  Nord  », plus  que  libérer  Cuba  du  joug  espagnol,  souhaite asseoir  son  pouvoir  économique  sur  un  État  qui représente à cette époque plus de 7 % de ses échanges commerciaux. L’action militaire américaine aboutit à la signature du traité de Paris du 10 décembre 1898 qui reconnaît l’indépendance de Cuba. Cependant, l’amendement Platt (1903), du nom du sénateur du Connecticut  l’ayant  fait  adopter  par  le  gouvernement américain, place l’île sous la tutelle des États-Unis.  Cette  liberté  conditionnelle  autorise  l’intervention des marines en cas de désordre politique. En 1913, le président Wilson déclare que les États-Unis ne reconnaissent pas un pouvoir non issu d’élections démocratiques.  Sa  doctrine  justifie  les  nombreuses interventions  effectuées  en  Amérique  latine  par  les États-Unis durant sa présidence : en 1914 au Mexique, en Haïti en 1915, à Saint-Domingue en 1916. De 1898 à 1933, les États-Unis interviennent militairement à vingt-cinq reprises en Amérique centrale et dans les Caraïbes. Plus tard, la guerre froide sert de prétexte au  messianisme  musclé  nord-américain.  En  effet, l’Amérique latine devient objet de convoitises et terrain de lutte entre les deux grands que sont l’URSS et les États-Unis. La doctrine de l’endiguement mise en  place  par  le  président  nord-américain  Truman consiste  à  contenir  l’expansion  communiste.  Cette idéologie légitime le coup d’État organisé par la CIA au Guatemala en 1954 qui renversa le gouvernement d’Arbenz,  supposé  marxiste,  ou  encore  le  soutien militaire accordé aux Contras du Nicaragua, guérilla opposée au gouvernement sandiniste dans les années 1980. De plus, en avril 1961, les États-Unis envoient des mercenaires cubains entraînés par la CIA dans la baie des cochons pour renverser le nouveau gouvernement communiste de Fidel Castro. L’interventionnisme nord-américain ne s’arrête pas là : l’« Alliance pour le progrès » mise en place en 1961 par le président Kennedy, n’est dans le fond qu’une stratégie déployée pour protéger l’hémisphère de l’expansion communiste.  Celle-ci  propose  une  aide  sociale  aux pays sud-américains à la condition que ces derniers possèdent des cadres institutionnels démocratiques. L’hégémonie  nord-américaine  durant  cette  période se traduit par la ratification de deux alliances avec les États d’Amérique latine : le pacte militaire du TIAR (Traité  interaméricain  d’assistance  réciproque)  de 1947, relatif à la défense mutuelle et celui de l’OEA (Organisation des États américains, 1948). Cette dernière  est  considérée  par  Castro  comme le  «  ministère des Colonies » de l’hyperpuissance américaine. Dans la seconde moitié du xxe siècle, les États-Unis soutiennent de nombreux régimes autoritaires. Dans les années 1970, ils vont même jusqu’à dispenser des cours  de  torture  aux  juntes  militaires  gouvernant au  Chili,  en  Argentine,  au  Paraguay,  en  Bolivie et en  Uruguay  dans  le  cadre  de  l’opération  Condor. Au plan économique,  le néo-impérialisme pratiqué par  les  États-Unis  pour  s’imposer  sur  un  «  empire perdu » se reflète dans le consensus de Washington apparu en 1989. Ce dernier consiste en un amalgame de mesures recommandées aux économies d’Amérique latine  pour  rembourser  leur  dette  extérieure  résultant  de  la  crise  d’hyperinflation  de  la  «  décennie perdue » des années 1980. Dans le cadre de la mondialisation,  le  «  Géant  »  impose  son  hégémonie  et maintient  les  pays  d’Amérique  latine  dépendants de  son  économie  en  multipliant  les  traités  bilatéraux comme celui signé avec le Chili en juin 2003, avec la République dominicaine et l’Amérique centrale en 2005, ou encore en novembre 2006 avec la Colombie. Ces traités compensent l’échec du projet de  Zone  de  libre-échange  des  Amériques  (ZLEA), que  les  trente-quatre  pays  du  continent  (tous  sauf Cuba)  devaient  inaugurer  en  2005.  Sous  l’égide du  Venezuela,  une  Alternative  bolivarienne  pour les  Amériques  (ALBA)  s’organise  pour  s’opposer  à l’impérialisme des États-Unis. Cependant, la domination  américaine  était  déjà  critiquée  auparavant, comme  le  souligne  l’existence  de  l’Alliance  populaire révolutionnaire américaine datant de 1923. Son fondateur,  Víctor  Raúl  Haya  de  la  Torre,  prônait l’union politique de l’Amérique latine et appelait à la contestation de la suprématie nord-américaine. En parallèle, avec notamment Rafael Correa (Équateur, 2006), Daniel Ortega (Nicaragua, 2007) ou encore Hugo  Chávez  (Venezuela,  1999)  et  Lula  (Brésil, 2002), l’arrivée au pouvoir de présidents de gauche en Amérique latine dans les années 2000 a  contribué à  l’affaiblissement  de  la  puissance  nord-américaine dans  le  continent.  Hugo  Chávez  s’est  notamment singularisé  par  ses  diatribes  contre  la  puissance nord-américaine.  Le  20  septembre  2006,  lors  d’un discours  à  l’assemblée  générale  de  l’Organisation des  Nations  unies,  il  qualifie  le  président  Bush  de « menteur » et de « tyran ». En septembre 2008, il exige  le  renvoi  de  l’ambassadeur  des  États-Unis à  Caracas  car  il  soupçonne  ce  pays  de  manigancer un complot contre lui et déclare : « Allez vous faire voir, yankees de merde ! » En vue de former une force de  cohésion  latino-américaine  et  une  démarcation face  à  l’Amérique  du  Nord,  les  États  d’Amérique latine  créent  des  institutions  comme  la  banque  de développement  Banco  del  Sur.  Cet  organisme,  qui s’inscrit  dans  la  même  politique   anti-impérialiste, regroupe  le  Venezuela,  l’Argentine,  le  Brésil,  la Bolivie, l’Équateur,  le  Paraguay  et  l’Uruguay.  Il se pose  comme  une  alternative  au  Fonds  monétaire international et à la Banque mondiale, et représente un  grand  pas  vers  l’indépendance  économique  de l’Amérique latine. En parallèle, depuis les attentats terroristes du 11 septembre 2001, Washington a tendance à se tourner vers le Proche-Orient, et semble laisser  de  côté  la  zone  latino-américaine.  L’arrivée à  la  Maison  Blanche  du  président  Barack  Obama porte l’espoir d’une nouvelle ère fondée sur l’aide au développement des pays d’Amérique du Sud. Ainsi, bien qu’historiquement l’Amérique latine se profilât comme étant la « chasse gardée » des États-Unis, des voix s’élèvent pour mettre un terme définitif à cette position de faiblesse. Obama se voit pourtant rapidement happé par une actualité internationale chaotique  et  l’Amérique  latine  sort  de  son  écran  radar. En  fin  de  deuxième  mandat,  il  prend  toutefois  la décision historique de rétablir les relations diplomatiques  avec  Cuba,  refermant  le  long  chapitre  de la guerre froide et ôtant de nombreux arguments aux toujours  très  influents  critiques  de  l’impérialisme américain. L’élection de Trump en 2016 ne doit pas changer fondamentalement la donne : les États-Unis ont un agenda  de politique  extérieure dont  l’Amérique latine est largement absente. Seul le Mexique fait  l’objet  de  l’attention  de Tump.  La perspective du  démantèlement  de  l’Accord  de  libre-échange nord-américain (ALENA) et de la construction d’un mur  le  long  de  la  frontière  séparant  les  deux  pays risque de plonger le Mexique dans une grave récession économique
Extrait de « L’Amérique latine »  Olivier Dabène .2e édition 2017


 -« Les latinos se ressemblent tous. »

Nous ne sommes pas européens, nous ne sommes pas indiens mais une sorte d’intermédiaire entre les aborigènes et les Espagnols.
Simon Bolívar, congrès d’Angostura, le 15 février 1819

Selon l’expression même de « latinos », les habitants du continent sud-américain seraient tous à mettre dans le même panier en raison des éléments qu’ils semblent partager.  En  effet,  l’usage  des  (très  proches)  langues espagnole et portugaise, la traversée d’un même passé colonial, la même foi catholique, voire d’autres similitudes  concernant  leur  niveau  de  développement, sont  souvent  invoqués  comme  des  critères  reflétant une   certaine  uniformité  identitaire  propre  au  continent.  Ces  éléments  suffisent-ils  pour  que  toutes  les personnes habitant entre le Rio Grande et la Patagonie se   réclament  d’une  même  identité  latine  ?  La  question semble ne pas avoir de réponse facile. En effet, le regard  étranger  permet  souvent  de  figer  l’objet  et de  déterminer les contours dessinant une certaine ressemblance.  Pourtant,  la  question  devient  plus  complexe lorsqu’on se trouve à l’intérieur d’un processus culturel bouillonnant, comme celui de la construction identitaire. En ce sens, la poursuite de l’essence de l’identité latino-américaine sera toujours une tâche fuyante dans la mesure où elle suppose une constante réinterprétation de ses origines. Voilà  pourquoi  le  présent  donne  une  dimension beaucoup  plus  irrégulière  et  fragmentaire  à  l’identité   du  continent  et  montre  bien  qu’il  est  faux  de  dire qu’une seule identité puisse le caractériser. Ils partagent toutefois une même identité fondée sur la diversité et le mélange. Peut-être  convient-il  d’abord  de  s’intéresser  à  la portée de l’appellation « latine » qui désigne la partie sous-tropicale  de  l’Amérique.  Elle  suggère  aussi  les origines  européennes  issues  des  colonisations  espa-gnole et portugaise du xvie siècle, origines ayant eu une influence indéniable et définitive. Néanmoins, ce n’est qu’avec les prétentions impérialistes de Napoléon III, en 1860, que  l’adjectif «  latin  » est  employé couramment pour désigner l’Amérique du Sud. Cet usage suggère un lien de parenté qui pourrait justifier la quête d’un destin commun. Il est donc intéressant de noter que cette appellation naît d’un regard étranger à l’Amérique, même si elle fut inventée par un Chilien et un Colombien vivant à Paris en 1856.Plus récemment, le terme « latinos » est récupéré par les États-Unis pour se référer à la vaste population d’origine sud-américaine qui vit sur son territoire. L’emploi de cette expression est d’autant plus fréquent que cette diaspora, dépourvue de ses racines, est en quête de nouveaux repères. C’est pourquoi, après avoir été réduite à cette expression au sein du communautarisme américain,  elle  se  l’est  appropriée.  L’ailleurs  facilite  donc le regroupement des migrants, consolide et diffuse une identité  latino.  L’emblématique  salsa    sauce  »,  en espagnol) illustre bien ce phénomène puisqu’elle apparaît issue d’un mélange de sons et de rythmes caribéens qui, dans le salad bowl américain, invente une nouvelle musique. Le  mot  « latino  »  suggère  toujours  un  rôle européen au sein des populations d’Amérique du Sud ; même si aujourd’hui ce rôle, qui s’est dilué progressivement à partir des indépendances (premier quart du xixe siècle), doit être nuancé. Depuis  le  début  des  conquêtes  coloniales,  les colons  qui  débarquent  sur  le  continent  constituent essentiellement  une  population  masculine    la  différence  des  États-Unis).  Ceux-ci  n’hésitent  pas  à  se  mélanger à la population locale, ce qui donne naissance à un métissage entre les  deux  mondes. Néanmoins, le système colonial reste toujours ordonné selon une stricte hiérarchie  raciale,  très  discriminatoire  pour  les  élites locales  créoles  (Blancs  nés  en  Amérique),  par  rapport aux  privilèges  dont  profitaient  les  premiers  conquérants  péninsulaires.  Progressivement,  les  péninsulaires deviennent  minoritaires  face  à  la  population  créole.  Avec le processus des indépendances, ils sont définitivement répudiés au profit d’une nouvelle identité créole. Mais ce modèle-ci ne reconnaît pas les mêmes droits civiques  à  l’ensemble  de  la  population  (malgré  des constitutions très modernes), et profite surtout à une couche aisée qui garde ses distances vis-à-vis des autres. Ce  modèle  accentue  les  clivages  socio-économiques selon les races,  et ce,  malgré  un consensus  métis. Ce n’est qu’avec l’irruption de la révolution mexicaine en 1910 que cette identité métisse est pleinement assumée et massifiée en  octroyant  les mêmes droits  civiques à tous.  L’impact  de  cette  révolution  résonne  vivement dans  les  zones  andines  du  continent  (Bolivie,  Pérou, Équateur,  Colombie),  qui  reprennent  ce  modèle  d’intégration d’unité métisse républicaine. Ce modèle, qui  a  pour  but  premier  la  communion  entre  Blancs et Indiens, est repris distinctement dans un deuxième groupe de pays abritant en plus une vaste population noire  (Brésil,  Venezuela,  Caraïbes)  qui  a  une  ouverture pluraliste particulière. Le poète cubain du début du xxe siècle, Nicolás Guillén, est très représentatif de ce mélange. Le métissage creuse donc de substantielles  différences identitaires selon les régions, notamment par rapport à un troisième groupe de pays qui a éradiqué sa population autochtone  (Argentine,  Uruguay,  Chili)  et qui ne s’identifie d’aucune manière au métissage.  La fin du xxe siècle s’annonce avec davantage de dif-fractions identitaires, dans la perspective de l’adoption d’un modèle multiculturel moins unitaire au profit de spécificités communautaires. Cette éclosion de la diversité rompt donc la lecture bicolore du métissage, pour s’ouvrir vers des déclinaisons plus pointues pour le premier groupe de pays (le Mexique reconnaît 62  langues parlées,  la  Bolivie  se  compose  de  36  «  nations  »  ou groupes ethniques), qui pourraient à plus long terme menacer l’unité nationale. En revanche, cette « ethnisation » de la politique frappe moins le deuxième groupe de  pays  qui  semble  mieux  gérer  une  mixité  intégrée aux mœurs. Tandis que dans le troisième groupe, de croissantes  revendications  identitaires  commencent à  voir  le  jour  (les  Indiens  Mapuches  au  Chili),  qui témoignent d’une inégalité des chances très enracinée, perpétuant les  différences.  Finalement, l’adoption  du multiculturalisme s’explique également par l’existence d’autres populations qui ne se reconnaissent ni comme étant autochtones, ni comme étant blanches (1,5 million de Japonais au Brésil, 0,7 million de Palestiniens au Chili). Aujourd’hui, ces populations commencent à réclamer une reconnaissance devant l’État. Il  semble  donc  évident  qu’on  se  trouve  dans  une période charnière pour l’identité du continent, où les particularités  régionales  expliquent  l’impossibilité  de construire l’unité rêvée par Bolívar (après les indépendances, Bolívar essaye d’unifier l’Amérique hispanique. Hélas, le panaméricanisme ne fut qu’un mirage évanescent).  Néanmoins,  l’appartenance  à  un  État  subsiste comme  identité  première,  issue  souvent  de  rivalités ou conflits régionaux (Brésil versus Argentine ; Bolivie versus Chili…) qui fracturent l’harmonie identitaire du continent, et que même les projets politiques d’intégration régionale n’arrivent pas à surmonter.
Extrait de « L’Amérique latine »  Olivier Dabène .2e édition 2017

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