Sujets colle sur l'Afrique


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Quelle place de l’Afrique dans l’architecture internationale ?
L’Afrique, incluse dans le système mondial, se situe à sa périphérie, mais c’est aussi en comprenant les dynamiques des marges que l’on comprend les pulsations et les mutations du système-monde et que l’on peut éviter une vision occidentalo-centrée.
Le monde tend à devenir, à la fois, multipolaire au niveau des  grandes puissances politiques, transnational au niveau des oligopoles économiques et des réseaux et infranational du fait  des replis locaux et identitaires. Les pouvoirs économiques se déploient dans des espaces mondiaux, alors que les pouvoirs  politiques s’exercent avec difficultés dans des cadres nationaux
L’Afrique n’est ni au cœur des économies-monde ni une charnière entre l’Occident et l’Orient comme l’est le Moyen-Orient. Elle a longtemps joué un rôle de réservoir d’hommes  et de richesses pour les économies conquérantes proches et a  été perçue comme « terrae incognitae » par les Européens jusqu’à  la traite atlantique, exception faite des royaumes nubiens et éthiopiens et des relations commerciales transsahariennes ou orientales. Les colonisateurs l’ont traité, à la limite, comme un « res nullius », territoire vide qu’ils se sont partagé en fonction de  leurs intérêts.
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L’Afrique
L’Afrique a subi les conquêtes arabes notamment omanaises, portugaises, hollandaises, britanniques, françaises, allemandes, espagnoles, italiennes mais n’a pas été conquérante à l’extérieur. Les apports extérieurs ont été réinterprétés par les Africains. Les sociétés «faibles» ont utilisé leurs ressources et leurs armes  pour subvertir, ruser ou innover.
Lors des indépendances, les États seuls sujets reconnus du droit  international ont émergé comme acteurs au sein de l’architecture internationale tout en ayant une place subordonnée. L’Afrique a intégré les grandes organisations internationales des Nations  unies et les agences onusiennes. Elle pèse peu au FMI ou à la Banque mondiale (où les voix dépendent des quotes-parts à la limite un dollar = une voix) et davantage à l’Assemblée des Nations unies ou à l’OMC (un État = une voix). Le système-monde est de moins en moins en phase avec l’architecture internationale fondée sur une conception réaliste d’États  souverains. Son histoire s’écrit non plus par le seul Occident mais par les pays émergents avec basculement de la richesse, de la puissance et du poids démographique.
Dans un monde d’interdépendance asymétrique, les ressources mobilisées pour exercer une influence sont devenues multiples. Les instruments du hard power (conflits par guerre directe ou par procuration, puissances politiques et économiques) s’accompagnent du soft power (pouvoir normatif, culturel, diplomatie d’influence, langue). L’Afrique est particulièrement concernée par ces transformations. Les frontières territoriales et les États-nations sont transgressés notamment par les réseaux des armes ou de diasporas.
Le découplage relatif Nord/Sud s’accompagne d’un couplage croissant Sud/Sud avec incertitude sur la profondeur de cette  rupture.
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    L’Afrique, qui représente un quart des voix aux Nations unies, dont les États sont des alliés possibles pour les grandes puissances et qui fait l’objet de convoitises pour ses ressources tend à distendre les liens avec les anciennes puissances coloniales et à accroître ses marges de manœuvre. Les pouvoirs africains savent aujourd’hui jouer des conflits d’intérêts entre les puissances occidentales et asiatiques, comme ils ont su jouer de la guerre froide. On a constaté en revanche, depuis le début du 21e siècle, un reclassement géopolitique. Les raisons en sont multiples: sécurité, accessibilité aux ressources du sous-sol (minéraux et hydrocarbures) et du sol (terres arables, forêts), rôle de la biodiversité, jeux d’alliance dans les organisations internationales (un quart des voix aux Nations unies). Son poids démographique, ses ressources naturelles, voire ses perspectives de croissance, font de l’Afrique un acteur croissant au niveau mondial.
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Quels sont les enjeux géopolitiques de l’Afrique pour les grandes puissances ?

Les puissances régionales et internationales, les États et les armes sont dans des jeux de rivalités, de coopération et d’alliances. Certaines puissances comme la France ou la Chine ont  une visibilité forte alors qu’Israël, les pays du Golfe ou l’Iran agissent par les services de renseignement notamment militaires, par le champ religieux pour les puissances sunnites et  chiites ou par les réseaux (libanais, diasporas indiennes). Les grands réseaux et diasporas africains sont mondialisés.
Les anciennes puissances coloniales continuent d’avoir une influence dominante par le commerce et les investissements, par le droit, parfois la monnaie (cas de la zone franc) ou par le rôle des diasporas. Il y a également dilution de leur influence au sein de l’UE.
L’Europe est, plus que les autres continents, directement concernée par l’histoire coloniale, les interdépendances, les défis communs (réfugiés, conflits), la géographie (le continent
est à 14km de l’Europe du Sud) et les opportunités. Sa position de quasi-monopole est toutefois fortement remise en question. L’Afrique est largement sortie de relations postcoloniales pour s’insérer dans un pluripartenariat
Les États-Unis et surtout les puissances «émergentes» d’Asie et d’Amérique latine sont devenus des acteurs stratégiques. Les pays africains sont caractérisés par de nouveaux partages des zones de présence, d’influence entre les pays occidentaux, les puissances pétrolières du monde chiite et sunnite et les puissances émergentes notamment asiatiques. La moitié des relations économique se fait aujourd’hui avec les pays du Sud notamment les BRIC. Les nouvelles puissances présentes en Afrique ne font que réactualiser des relations anciennes. En Afrique australe, les communautés marchandes indiennes réactivent le commerce d’Insulinde. La circulation des hommes, des biens et des informations se réalise entre les côtes de l’Afrique orientale et la péninsule arabique vivifiée par les transports aériens et les télécommunications (cf. Dubaï street à Zanzibar). Les migrants d’Afrique de l’Ouest sont insérés dans des réseaux migratoires européens. Le prosélytisme mouride au Sénégal a ainsi de nombreux contacts avec l’Amérique du Nord. Les réseaux Ibos du Nigeria contrôlent largement le trafic de la drogue à New York. Si les cartels latino-américains (narcos) sont de plus en plus présents en Afrique, les réseaux africains sont devenus très actifs dans le commerce de cocaïne d’Amé-rique du Sud vers l’Europe et d’héroïne asiatique à destination de l’Amérique du Nord (Guinée Bissau, Sahara). Des liens existent entre ces réseaux et les milices djihadistes dans l’arc sahélo-saharien (cas d’Ansar-Dine ou du Mujao au Mali).Les diasporas indo-pakistanaises (plus de 2 millions en Afrique orientale et australe), chinoises, libanaises (400 000 à 500 000 en Afrique de l’Ouest) jouent également un rôle déterminant. Elles participent d’un espace transnational. Elles ont un poids économique important en Afrique tout en étant reliées à leur terre d’origine (même système d’information, participa-tion aux mêmes fêtes religieuses, transferts, voire financement de forces politiques…). Elles participent à l’économie officielle et parfois à certains circuits parallèles (trafics divers). Les dias-poras libanaises sont ainsi très présentes en Afrique de l’Ouest dans le champ économique et de manière moins visible dans le champ politique.Les réseaux multiples qui connectent l’Afrique au monde ont leur propre autonomie. Ils peuvent servir également d’instruments moins visibles des intérêts de puissances (fonds privés saoudiens, ONG qataries, églises évangéliques, diasporas, etc.)

Extrait de « L’AFRIQUE : Défis, enjeux et perspectives en 40 fiches pour comprendre l’actualité » Philippe Hugon
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Quel rôle jouent en Afrique les puissances émergentes ?
L’Afrique se mondialise en diversifiant ses partenaires alors que les puissances émergentes intègrent l’Afrique dans leur insertion mondiale. La Chinafrique a modifié la donne par l’extension rapide et importante de sa présence en Afrique. En 2016, la Chine pèse pour environ 10% des relations commerciales et des investissements de l’Afrique. Ces relations commerciales sont ainsi passées de 10 milliards de dollars US en 2000 à plus de 200 milliards en 2015. Les relations bilatérales et moins multilatérales se font sous forme de «package deal»: un accès aux ressources naturelles moyennant une contrepartie, généralement la construction ou la restauration d’infrastructures. La présence chinoise est focalisée sur les pays dotés de ressources du sous-sol et/ou disposant de marchés intérieurs développés. Les principaux chantiers de la Chine en Afrique se trouvent ainsi en Algérie (bâtiments), au Nigeria (raffineries), en RDC (infrastructures), en Angola (pétrole offshore) et en Afrique du Sud (banques, rôle du marché, de la démocratie). Une influence plus durable s’exerce également par le soft power: avec les centres Confucius, la formation des Africains en Chine, la mise en place de dispositifs de recherche, l’aide liée avec absence de conditionnalités politiques hormis la non reconnaissance de Taïwan. Le «consensus de Beijing» mettant en avant le rôle de l’État et de la souveraineté nationale s’oppose, en Afrique, au «consensus de Washington» définissant des «bonnes» politiques (marchés, ouverture, «gouvernance»). D’autres puissances «émergentes» jouent un rôle important, notamment le Maroc et la Turquie. En Asie, l’Inde et le Japon, la Corée du Sud, l’Indonésie et la Malaisie, sont des partenaires croissants. L’Inde est présente par ses grandes firmes telle Tata première multinationale en Afrique, et dans le secteur informatique ou les services; elle se focalise sur l’Afrique orientale, l’Afrique du Sud et l’Océan indien. En Amérique latine, le Brésil est très présent (mines, agro-alimentaire) plus spécialement dans les pays lusophones. Les puissances industrielles émergentes ont permis de peser à la baisse sur les prix des produits manufacturés et les services importés. Elles ont favorisé des hausses de prix des produits primaires et facilité l’accès aux financements. Mais elles limitent les remontées en gammes de produits et la transformation des matières premières. Frédéric List disait que les pays industrialisés retiraient l’échelle des nouveaux pays visant à les rattraper. Aujourd’hui, les grandes puissances émergentes cassent les barreaux de l’échelle en combinant des bas salaires, des hauts niveaux technologiques, des marchés intérieurs permettant des économies d’échelle et des appuis des États. Les pays pétroliers du monde arabe, du Proche et Moyen Orient jouent un rôle croissant au sein de l’«Afrique musulmane ». L’Afrique sahélienne et orientale a été depuis des siècles en relation avec le Maghreb et le Proche et le Moyen Orient par le commerce transsaharien et caravanier, par les traites esclavagistes et l’expansion de l’islam. Les connectivités transsahariennes ont résulté des réseaux faits de mobilités  transfrontalières entre des régions très fragiles. Il y a eu ensuite victoire de la caravelle sur la caravane. Le Sahara et le Sahel sont devenus plus tard des lieux importants de filières migratoires et de trafics. La présence des puissances pétrolières résulte d’un prosélytisme religieux et des capacités financières liées aux hydrocarbures. Ces nouveaux partenaires renforcent des relations Sud/Sud et donnent plus de marges de manœuvre aux États africains. À défaut de transferts de technologies, de formation des cadres, d’emploi massif de travailleurs africains et d’utilisation de sous-traitants, les pays africains restent spécialisés dans des produits primaires ; ils subissent la concurrence des biens et services et ont du mal à réaliser des remontées en gammes de produits. Les relations avec l’Asie, et notamment avec la Chine, d’un continent traditionnellement tourné vers l’Europe ont modifié la donne stratégique et les zones d’influence; elles ont dopé la croissance tout en présentant des risques de «reprima-risation», voire de recolonisation de l’économie (achat de terres, contrôle des ressources).

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Quelles sont les puissances africaines capables de prendre le leadership en Afrique ?

La puissance a deux dimensions. La puissance militaire passe par les forces armées nationales, les contributions aux forces régionales et multilatérales et les services de renseignement. Les puissances militaires africaines sont en Afrique du Nord – Algérie, Égypte, Maroc – et en Afrique subsaharienne – Afrique du Sud, Angola, Nigeria. Ces six pays représentent plus des trois quarts des dépenses militaires continentales, et disposent d’armées relativement bien équipées et organisées. La puissance politique résulte des influences politiques au sein des organisations régionales et de l’Union africaine (UA). Elle est liée à la diplomatie plus ou moins souterraine, aux réseaux d’influence noués dans des conflits ou des amitiés au sein des organisations internationales. Les indicateurs de puissance diplomatique passent par le nombre de représentations diplomatiques. La langue, les technologies de l’information et de la communication sont également des indicateurs d’influence ou de domination culturelle.
Le PIB n’est qu’un indicateur imparfait de la puissance économique. Le Nigeria n’est ainsi devenu le premier pays d’Afrique que par un changement de convention. Au-delà de certains faits stylisés en termes d’économies de rente et de forte dépendance économique, le curseur de la puissance économique va des sociétés assistées, prises dans des trappes à pauvreté et à conflits, à des sociétés connaissant une diversification économique et capables d’imposer des conditions dans les négociations internationales et vis-à-vis de leurs partenaires.  Les leaderships africains s’exercent principalement au niveau régional: Nigeria au sein de l’Afrique de l’Ouest, Éthiopie au sein de l’Afrique orientale, Afrique du Sud en Afrique australe, Angola en Afrique centrale et Maroc en Afrique occidentale. L’Afrique du Sud reste la puissance régionale dominante et pourrait obtenir éventuellement un poste de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. Elle est une puissance militaire et économique qui a le leadership en Afrique australe. Elle pèse également de par son rôle au sein de l’UA, mais elle fait face à de sérieux problèmes économiques, sociaux et politiques. De plus, elle est en déclin démographique. À l’échelle continentale, son ambition se heurte à l’Égypte ou au Nigeria. Pour leur part, l’Algérie et le Maroc sont en rivalité au sein de l’Union du Maghreb arabe (UMA). Par ses relations transsahariennes privilégiées, le royaume chérifien exerce néanmoins une influence sur les pays d’Afrique occidentale, notamment sahéliens. Les États-Unis et surtout les puissances «émergentes» d’Asie et d’Amérique latine sont devenus des acteurs stratégiques.
Extrait de « L’AFRIQUE : Défis, enjeux et perspectives en 40 fiches pour comprendre l’actualité » Philippe Hugon



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Développement en Afrique : Vers un nouveau modèle de développement ?

La majorité des sociétés africaines ont de grandes difficultés à mettre en place des stratégies de développement de long terme:
  assurant la transformation d’économies de rente en économies de production, diversifiée, créatrice de richesses et d’emplois;
   permettant la construction d’avantages compétitifs sur le marché mondial;  
  générant des ressources publiques nécessaires aux fonctions régaliennes de l’État, aux infrastructures et aux dépenses sociales. Les États africains sont débordés par des frontières poreuses.
L’assiette fiscale interne est limitée. Les leçons des expériences montrent que ce processus dépend d’une combinaison entre un État remplissant ses fonctions régaliennes et assurant ses services publics, des entreprises de différentes tailles et de diverses nationalités prenant le risque de l’investissement productif et une société civile qui monte en puissance. Les processus réussis partent des activités les plus utilisatrices de travail pour réaliser des montées en gamme et des ouvertures extérieures favorisant une dynamique interne et des innovations techniques et sociales.
Les modèles de développement ne peuvent être toutefois copiés. Ils sont à inventer et à construire différemment selon les sociétés. Ils résultent d’acteurs privés et collectifs (partis, associations, syndicats, communautés et collectivités, États) intégrant les contextes internes et internationaux. Le développement économique africain ne peut être traité en termes de retard ou de convergence vis-à-vis des pays avancés. Le modèle consumériste, énergivore, carboné et producteur de déchets des pays industriels et émergents n’est pas, en tout état de cause, supportable par la planète. En revanche, les sociétés africaines peuvent s’approprier de nombreux progrès scientifiques et techniques réalisés par les pays riches pour construire leur modernité selon des trajectoires plurielles. Le développement n’est pas pour autant un imaginaire occidental et le débat sur la décroissance est un luxe pour les riches. Le développement, lié aux changements de structures dans le long terme, n’est pas la croissance mais il ne peut exister sans création de valeur ajoutée répondant aux besoins du plus grand nombre. En deçà d’un seuil, le «bien-être matériel » est un facteur de bien-être de la personne et, au-delà, il peut être source de mal-être. Le principal défi est celui de l’insertion des jeunes ruraux et urbains dans des activités licites rémunérées; les autres défis sont environnementaux notamment climatiques, sécuritaires, démographiques. Les modèles à construire par des acteurs innovants supposent des acteurs publics (nationaux, régionaux ou locaux) et des États «pépiniéristes». Ceux-ci doivent permettre «aux jeunes pousses» de se développer avec un foisonnement ordonné et régulé, grâce à la mise en place de systèmes de formation, de financement, d’organisations, d’associations, constitutives d’écosystèmes et d’interdépendances au sein de territoires. Les petits producteurs en zones urbaines (secteur «informel», TPME) et rurales (agriculteurs familiaux, paysans, intermédiaires) doivent pouvoir bénéficier des révolutions techniques et sociales (économies numérique, verte, circulaire, sociale). Les nouvelles technologies, à coût décroissant, et les nouveaux savoirs scientifiques et techniques sont des opportunités pour réaliser ces «révolutions par le bas» en termes d’innovations, de transition énergétique et de liens sociaux (travaux à haute intensité de main d’œuvre, petite mécanisation, écosystèmes productifs). Mais il s’agit de tirer les leçons du passé tout en sachant que l’histoire ne se répète pas et que de nouveaux défis surgissent. Les aides extérieures peuvent exercer des effets de levier, à la condition de ne pas se limiter à l’État et aux grandes entreprises. Les appuis financiers des fonds verts risquent, ainsi, de constituer des rentes perçues par les États, au lieu de favoriser les myriades de micro-projets allant de l’agroforesterie à l’énergie solaire, en passant par l’irrigation ou les semences adaptées aux aléas climatiques. Les grandes unités productives doivent s’intégrer dans le tissu économique et social.
Bien entendu, ces modèles spécifiques à des contextes différenciés, supposent des réformes macro-économiques conduisant à une fiscalité réductrice des inégalités et à une croissance économique inclusive et soutenable.

Extrait de « L’AFRIQUE : Défis, enjeux et perspectives en 40 fiches pour comprendre l’actualité » Philippe Hugon
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                        Comment favoriser l’Etat de droit et la démocratie en Afrique ?

 La reconnaissance des droits demeure une priorité. Elle concerne les minorités ethniques, religieuses, sociales, les jeunes, les femmes. L’éducation des filles, l’interdiction des mutilations sexuelles et du mariage forcé, le droit au contrôle de la fécondité sont des combats portés par des actions collectives et des choix politiques et jamais gagnés, face aux pouvoirs souvent machistes légitimant leurs pratiques par des spécificités culturelles. L’État de droit permet de respecter les droits et le droit grâce à une justice indépendante qui lutte contre le népotisme et la corruption. Il suppose à la fois de prendre en compte la pluralité des droits (coutumiers, coloniaux, islamiques, post indépendances) et la nécessité d’un cadre normatif permettant la transparence, la justiciabilité et la sécurité judiciaire par l’indépendance de la justice vis-à-vis du pouvoir politique. En revanche, les normes plurielles ont des légitimités liées au niveau de développement et aux ancrages socio-historiques. Les droits d’appropriation et d’usage de la terre (les communs) dépendent de communautés, d’ancêtres et de descendants, et ne sont des droits de propriété ni privée ni publique. La débrouille contourne et brouille les normes et peut conduire parfois à la petite ou à la grande corruption. Les pays africains ont hérité de deux grands régimes juridiques la « common law » anglo-saxonne donnant plus de poids à la justice et à la jurisprudence et le droit germano romain privilégiant les codes et les lois. L’Ohada, regroupant dix-sept États dont quinze francophones, a ainsi mis en place un droit des affaires créant un cadre régional sécurisé pour les affaires dans le cadre de ce référent juridique. Certaines positions relativistes considèrent que la démocratie n’est pas une priorité, face au sous-développement économique. En revanche, Amartya Sen a montré que les démocraties ne connaissaient pas de famines. La jeunesse est porteuse de ces aspirations contre les régimes autocratiques et les présidents à vie. Les enquêtes montrent (Afrobarometer 2011-2012) que 71 % des Africains enquêtés estiment que la démocratie est préférable à toute autre forme de gouvernement. La chute du mur de Berlin avait changé la donne politique en supprimant les rivalités politiques entre le monde occidental et le communisme qui justifiaient des États forts et des partis uniques. Les Conférences nationales avaient enclenché un processus de démocratisation; les urnes avaient officiellement pris le pas sur les armes. En réalité, la démocratie n’est pas réductible aux élections et au multipartisme. Les pouvoirs politiques sont restés personnalisés et peu institutionnalisés; dans de nombreux cas, des anciens militaires sont devenus «présidents à vie». Les «coups d’États constitutionnels» (Burkina Faso, Burundi, Congo Brazzaville, RDC, Togo) ont conduit à des violences, à des contestations des partis, à des mouvements de rue, voire à des «coups d’États militaires». L’insécurité des biens et des personnes, notamment du fait de la montée du terrorisme, a conduit à légitimer à nouveau des pouvoirs forts. Des progrès de la démocratie existent toutefois, même s’ils sont imparfaits et si la démocratie fixant des règles doit être différenciée du processus de démocratisation liée au jeu de contre-pouvoirs institutionnalisés. La démocratie élective peut refléter des pratiques néopatrimoniales et clientélistes des pouvoirs et Comment favoriser l’État de droit et la démocratie?  Conduire à de violentes crises liées aux fraudes. Certains parlent de démocrature combinaison de démocratie et de dictature, d’anocratie ou de démocratie molle, caractérisées au-delà des règles formelles par l’absence des droits de l’homme, des polyarchies et une grande instabilité politique. De nombreux jeunes veulent des changements sur le modèle initial des «printemps arabes». Les situations sont toutefois contrastées et n’impliquent pas un essoufflement démocratique. Certains États connaissent une séparation des pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire et informatif. Tel est le cas de l’Afrique du Sud ou de l’île Maurice. Mais la séparation des pouvoirs politiques, économiques, sociaux et culturels est majoritairement imparfaite. Le pouvoir politique appartient souvent à une ethnie minoritaire qui bénéficie du contrôle des rentes d’intermédiation avec l’extérieur (les Tékés au Gabon, par exemple) et achète les opposants. Certains groupes comme les Peuls de Guinée, disposant du commerce et du pouvoir religieux, ou les Bamilékés de l’Ouest du Cameroun, au cœur des dynamiques entrepreneuriales et financières, sont exclus du pouvoir politique. En Guinée, les Malinkés contrôlent les ressources agricoles et minières dans la zone maritime. Les élections présidentielles ne sont, alors, que des théâtres d’ombres de silhouettes visibles manipulées en coulisse et masquant les rapports de pouvoirs.
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Quel Rôle peut jouer l’intégration régionale en Afrique ?

L’Afrique a hérité de « poussières d’États » (Barthélemy Boganda premier président de la Centrafrique) et de micromarchés interdisant ou réduisant la possibilité de projets de tailles suffisantes. L’intégration africaine est une nécessité aux yeux de la plupart des responsables politiques, des intellectuels africains ou même des populations. L’Afrique a été «balkanisée» à l’époque coloniale et, surtout, postcoloniale. À l’heure actuelle, la rhétorique sur l’intégration économique et politique l’emporte cependant souvent sur la réalité. Le régionalisme de jure, porté par plus de deux cents organisations régionales, diffère de la régionalisation de facto portée par des acteurs et des projets, et créant des interdépendances entre économies nationales. L’intégration doit être économique. Les relations commerciales et financières intra-africaines comptent pour environ 12% du total des échanges du continent –sauf en Afrique australe et orientale–, alors qu’elles sont supérieures à 65% en Asie orientale ou en Europe. Les priorités nationales l’emportent sur la construction de marchés régionaux organisés. Les deux cents organisations régionales «d’en haut» sont, pour l’essentiel, des sinécures pour les politiques et les fonctionnaires. Les pratiques des «acteurs du bas» traversant des frontières poreuses, saisissent des opportunités, sans créer d’interconnexions durables. Or seul un espace régional caractérisé par des politiques communes (pays frontières de Alpha Konaré) est à même de créer des marchés régulés et de favoriser une intégration positive dans l’économie mondiale. Les opportunités créées par le droit (Ohada, par exemple) ou la monnaie (la zone franc, par exemple) ne sont pas suffisantes pour favoriser l’intégration régionale si elles ne sont pas accompagnées par: •  des projets de dimension régionale portés par les entreprenants ou des entrepreneurs; •  des politiques de transferts conduisant les « locomotives » ou les pôles bénéficiaires de l’intégration à accueillir les migrants, de réaliser des transferts ou de mettre en œuvre des projets communs avec les périphéries moins bénéficiaires (exemple des pays enclavés). L’intégration doit être également politique. La transformation de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) en Union africaine (UA) a permis des avancées. L’UA et les cinq organisations régionales qui en dépendent24 fédèrent autour d’une rhétorique unitaire fondée sur un discours anticolonial. Mais, elle reste un «syndicat de chefs d’État» où s’expriment les rapports de force entre des pays aux intérêts divergents. Le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad) permet toutefois de mettre en œuvre des projets communs, notamment dans le domaine des infrastructures. Il a également permis la mise en place d’un examen de bonne gouvernance entre partenaires. Certaines zones d’intégration se renforcent, notamment la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), grâce à la puissance régionale que constitue l’Afrique du Sud. C’est également le cas de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), qui profite du poids du Kenya. En revanche, l’intégration régionale ne progresse pas, voire régresse, au sein de  l’Union du Maghreb (UMA) et de la Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC). Les progrès sont également mitigés au sein de la Communauté économique de développement des États d’Afrique occidentale (CEDEAO), avec le maintien d’une rivalité entre la puissance nigériane et les pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). La priorité pour beaucoup d’États reste le renforcement de leur intégration interne, le contrôle de leurs frontières face à des voisins souvent prédateurs –citons encore la Centrafrique et la RDC. Enfin, malgré les forces africaines en attente, les armées régionales ont une efficience limitée et sont généralement financées, encadrées, formées et mises en avant par l’Union européenne (UE) ou la France.
Extrait de « L’AFRIQUE : Défis, enjeux et perspectives en 40 fiches pour comprendre l’actualité » Philippe Hugon
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L’aide publique au développement est-elle une réponse adaptée aux besoins de l’Afrique ?
La conception verticale de l’aide interétatique doit aujourd’hui céder la place à de multi-partenariats et à des coopérations plus horizontales mobilisant des acteurs pluriels, publics, privés et associatifs. L’aide publique au développement répond à différents mobiles souvent contradictoires: •  humanitaires (lutte contre la pauvreté et aide d’urgence);
   utilitaristes (accès aux ressources naturelles, présence sur des marchés protégés);
   géostratégiques (sécurité, prévention des conflits, lutte contre le terrorisme, gestion des risques migratoires ou épidémiologiques, recherche de voix dans les décisions internationales, logique de puissances, stratégies de présence vis-à-vis de concurrents);
  culturels (défense de la langue et de la culture, capital de sympathie);
  symboliques (culpabilité postcoloniale, fardeau de l’homme blanc);
  redistributifs (réduire les asymétries internationales et les divergences de trajectoires);
  développementalistes (rôle de catalyseur ou de levier pour mobiliser des capitaux, assurance contre les risques, soutien de l’État de droit et du climat des affaires).
L’aide à l’Afrique a perdu de son importance comparée aux flux privés que ce soit les investissements directs étrangers (IDE), les transferts des diasporas, les fondations ou les private equity (entrée au capital de sociétés par la micro-finance, le capital développement, les fonds de pension, etc.). Le respect du 0,7% du PIB affecté à l’aide augmenterait les financements en Afrique de 170 milliards de dollars. L’aide publique au développement (APD) joue un rôle essentiel dans les pays à faible revenus, où elle représente trois quarts des apports financiers contre 30% pour les IDE et 10% pour les transferts des migrants. Dans un contexte de financiarisation des économies génératrice d’exclusions sociales et territoriales, seuls des fonds publics ou des partenariats privés/publics peuvent financer des projets de développement dans les zones les plus fragiles, celles où les populations sont prises dans des trappes à vulnérabilité. Compte tenu de l’insuffisance des flux privés des pays vulnérables, l’APD peut jouer un rôle de catalyseur vis-à-vis des autres financements. Elle permet de:
  lever la contrainte financière extérieure et d’apporter un ballon d’oxygène;
  de compenser les déficits d’épargne, de compétences et de technologies;
  d’apporter des financements sécurisés du fait du faible accès des pays risqués aux flux privés;
  de réduire des handicaps structurels. Elle se heurte, en revanche, aux faibles capacités d’absorption:
  elle est souvent détournée de ses fins et a des effets multiplicateurs limités (pour cent flux d’entrée, il en ressort immédiatement soixante);
  elle crée également des effets pervers: biais en faveur des projets capitalistiques, charges récurrentes;
  elle manque de légitimité compte tenu du gaspillage des fonds utilisés et de leur forte évaporation.
  elle suppose un contrôle démocratique souvent inexistant quant à son affectation et constitue souvent un système patrimonial où quelques privilégiés bénéficient de rentes de situation. Les mises sous perfusion permanentes se substituent aux transfusions temporaires. Ces arguments renforcent le cartiérisme et l’égoïsme des pays riches. L’aide peut jouer un rôle de catalyseur, exercer un effet de levier mais elle ne se substitue pas aux dynamiques endogènes. Elle n’est efficace que si elle accompagne des dynamiques internes répondant à des stratégies globales de développement. Elle suppose de mettre en relations une pluralité d’acteurs : des représentants, des chercheurs, des acteurs du terrain jusqu’aux responsables d’agence; des acteurs nationaux aux acteurs étrangers en passant par les diasporas. Elle devrait idéalement être affectée dans les zones les plus vulnérables, où les défis à relever sont les plus grands et qui sont délaissées par les flux financiers privés. Cette réorientation de l’aide vers les zones marginalisées doit s’appuyer sur des projets venant des acteurs du bas et des dynamiques endogènes et éviter les apports financiers conduisant à des rentes captées par les pouvoirs.

Extrait de « L’AFRIQUE : Défis, enjeux et perspectives en 40 fiches pour comprendre l’actualité » Philippe Hugon

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